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Bonaparte avec la princesse Clotilde de Savoie était accompli. Avant le 30 janvier, tout était fini à Turin, où l’opinion frémissante voyait dans cette union dynastique le gage d’événemens prochains. C’est à ce moment, le 18 janvier, que les arrangemens, jusque-là tout personnels et secrets, prenaient une forme diplomatique plus précise et devenaient une alliance régulière fondée toujours sur la prévision d’une attaque de l’Autriche. Dernier coup de théâtre enfin : au lendemain du mariage du prince Napoléon et de la princesse Clotilde paraissait subitement à Paris une brochure retentissante, — Napoléon III et l’Italie, — qu’on savait inspirée par l’empereur, qui traçait tout un programme de réorganisation italienne par une fédération nationale en dehors de la domination étrangère.

Ainsi en peu de temps les faits significatifs se succèdent et se pressent. Les paroles de Napoléon III à M. de Hubner trouvent leur commentaire, une sorte d’écho grossissant dans le discours de Victor-Emmanuel, et ces deux actes se complètent par l’alliance de famille, par le manifeste impérial qui relève devant l’Europe le problème des destinées italiennes, comme si les traités de 1815 n’existaient pas. Quelques semaines, quelques jours ont suffis pour mûrir la crise. Rien s’est décidé cependant, et la question est encore de savoir si ce sera l’épée qui tranchera définitivement le nœud ou si les gouvernemens, par un dernier effort, réussiront à détourner l’orage qui, en paraissant s’amasser sur l’Autriche seule, menace le continent tout entier. Entre le courant belliqueux et le courant pacifique, la lutte est engagée pendant cet hiver de 1859, prologue agitent confus du grand drame.


I

Situation étrange en effet, où tout semblait conduire fatalement un conflit et où le point précis du débat restait obscur, où la diplomatie ne savait comment prendre ce problème italien, qui était sans doute dans les mauvais gouvernemens, dans les légations ou les duchés, mais qui était aussi, avant, out, dans la domination étrangère, c’est-à-dire dans ce qui ne pouvait être résolu que par la force. Phase curieuse de l’histoire du siècle, où Cavour lui-même, qui seul savait ce qu’il voulait, passait près de quatre mois entre un mouvement national qu’il stimulait ou retenait tour à tour, et les difficultés qui lui menaient de l’Europe, des négociations engagées de toutes parts pour lui barrer le chemin !

Si l’Autriche avait eu plus d’initiative et de souplesse, elle aurait bien pu simplifier la question, et elle eût peut-être singulièrement embarrassé ses adversaires. Elle semblait en avoir eu l’idée, et c’est