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contre les possessions autrichiennes en Italie ! Si les ministres de la reine tiennent un langage résolu, il n’y aura pas de guerre… L’Italie n’a aucun besoin de changement ; qu’on cesse de l’agiter, et il n’y aura rien… » Lorsque le cabinet anglais se tournait vers Turin, on lui disait que, s’il voulait la paix, il devait s’adresser à Vienne, que tout le mal venait de la domination étrangère, qui était un dangereux appui pour les mauvais gouvernemens, une menace pour la liberté constitutionnelle piémontaise, et l’éternel aliment des passions révolutionnaires ; on lui démontrait que, si l’Autriche était dans la légalité de 1815 à Milan, elle n’y était plus en occupant Bologne et Ancône depuis dix ans, en enchaînant les duchés du centre par des traités de vassalité, en faisant de Plaisance une forteresse impériale à la frontière du Piémont. Lorsque l’Angleterre interrogeait la France, l’empereur l’encourageait dans ses efforts pacifiques, désavouant toute pensée d’agression, prenant l’air d’un conciliateur prudent qui retenait le Piémont, et en définitive laissant entrevoir au sujet des affaires italiennes des idées qui avaient peu de chances d’être acceptées par l’Autriche.

L’Angleterre aurait pu trouver un levier dans les puissances neutres ; mais la Prusse lui prêtait un concours assez platonique, et quant à la Russie, le prince Gortchakof avait dit dès le premier moment à l’ambassadeur anglais Crampton : « Certainement la Russie désire la paix, elle en a besoin ; mais avec ma franchise habituelle je dois vous déclarer que nous ne pouvons pas voir du même œil la France et l’Autriche. Avec la première nous sommes dans les termes d’une étroite cordialité, avec la seconde c’est le contraire. La cour de Vienne a indignement répondu à nos procédés. Dans d’autres temps, la Russie offrait ses conseils à ses alliés ; aujourd’hui elle s’abstient de conseiller qui que ; ce soit. Si on nous demande notre opinion, nous serons favorables à la paix ; nous irons jusque-là, pas plus loin. Remarquez bien que, si la paix de l’Europe est troublée, je ne vous dis pas de quel côte pourront être les armes russes. Sur ce point, nous sommes résolus à rester libres de tout engagement… » Au milieu de ces contradictions et de ces confusions, l’Angleterre était certainement embarrassée ; elle ne se décourageait pas cependant. Elle avait commencé, dès le mois de janvier, par essayer d’amener Napoléon III à préciser ses vues. Bientôt elle avait fait un pas de plus : avant la fin de février, l’ambassadeur de la reine à Paris, lord Cowley, était parti pour Vienne avec un programme de négociation auquel il devait s’efforcer de rallier l’Autriche. Il s’agissait, dans ce premier programme, de la cessation des occupations militaires à Bologne et à Rome, de l’abrogation des traités autrichiens avec les duchés, d’un système de réformes libérales dans