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route par les chiffres que le colonel Bogdanovitch cite dans son étude sur le Chemin de fer à travers l’Oural. Il y a quelque temps, le mouvement de marchandises entre la Russie et l’Asie atteignait 11 millions de pouds (184,000 tonnes). Encore en 1850 les Russes envoyaient en Chine pour plus de 7 millions de roubles d’objets manufacturés, qui étaient échangés contre 13 millions de livres de thé. Ce trafic, qui a lieu par la voie de Kiakhta, a bien baissé par suite de la concurrence que lui fait la navigation depuis que les ports chinois sont ouverts aux étrangers. En 1867, sur 127 maisons de commerce d’Irkoutsk, 40 ont cessé les affaires. C’est que le transport depuis Kiakhta jusqu’à Moscou coûte trois ou quatre fois plus cher que le transport par mer. Les moyennes triennales suivantes, que nous empruntons à M. de Lindheim, représentent le mouvement des échanges de la Russie avec la Chine depuis 1856 :


Période Exportation Importation Total
1856-58 24 millions de fr. 29 millions de fr. 53 millions de fr.
1859-61 22 — 30 — 52 —
1862-64 16 — 30 — 46 —
1865-67 19 — 22 — 41 —
1868-70 14 — 27 — 40 —
1871-72 13 — 29 — 42 —

On voit que depuis quinze ans le trafic continental a diminué au lieu d’augmenter ; l’exécution du chemin de fer de la Sibérie le relèvera bien vite.

Le colonel Bogdanovitch a été l’un des plus zélés promoteurs de ce chemin de fer, et c’est son tracé qui a été adopté par le gouvernement. Son projet toutefois ne s’arrête pas à l’Oural ; il eût voulu continuer la ligne jusqu’à la capitale de la Chine. De Tiumeri, elle passerait à Omsk, ville de plus de 12,000 habitans où réside le gouverneur-général de la Sibérie occidentale, puis à Tomsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk, Khaïlar, sur la frontière mongole, d’où elle descendrait brusquement vers le sud jusqu’à Pékin.

Relier l’Europe à la Chine par un chemin de fer, qui de Paris à Pékin offrirait un développement d’environ 10,000 kilomètres[1], n’est certes pas une idée sans valeur pratique, ni même une idée prématurée. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter les yeux sur les tableaux statistiques du commerce chinois. On sait que la direction des douanes maritimes du Céleste-Empire est depuis douze ans confiée à un Anglais, M. Robert Hart, dont la vigoureuse administration a rétabli l’équilibre dans les finances chinoises. D’après les rapports

  1. De Paris à Ekaterinbourg, 4,100 kilomètres ; d’Ekaterinbourg à Pékin, 5,800 kilomètres. Le chemin de fer de New-York à San-Francisco a une longueur totale de 5,320 kilomètres. Au mois de juin dernier, un train-éclair a franchi cette distance en trois jours et demi ; d’ordinaire le-trajet se fait en sept jours.