Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Beloutchistan, qui sépare l’Inde de la Perse ; mais ; on attend que la Russie fasse mine de mettre un pied sur le territoire afghan, car c’est la ville de Hérat surtout qu’on craindrait de voir aux mains des Russes et qu’on s’efforcerait de leur disputer.

Espérons pourtant que les deux puissances qui se partagent la mission de renouveler la face de l’Asie finiront par s’entendre : il y a place pour deux dans ce vaste continent. Vouloir arrêter les progrès de la Russie sur cet immense échiquier serait peine perdue. Mais en la voyant tourner ses efforts avec tant d’énergie du côté de l’Asie, on comprend qu’elle ne soit pas pressée de faire aboutir la question d’Orient. Tant qu’elle n’aura point assuré son flanc gauche en occupant la rive méridionale de la Caspienne, qui appartient encore à la Perse, elle hésitera à engager l’action contre la Turquie.


IV

Une question qui se rattache étroitement au problème des voies de communication transasiatiques, c’est celle des gisemens carbonifères de l’Asie. Les dépôts de houille que les lignes projetées rencontreront sur leur parcours ne sont pas seulement d’une importance capitale pour l’exploitation de ces lignes, qui consommera des quantités : effrayantes de charbon, ils représentent encore l’avenir industriel des contrées que ces lignes doivent traverser. Le charbon en effet est l’aliment principal de l’industrie moderne : c’est la force portative, la force condensée sous un faible volume. Avec les machines à vapeur perfectionnées que l’on possède aujourd’hui, on peut admettre qu’un kilogramme de houille représente une heure de travail d’un cheval-vapeur, ou bien une journée d’ouvrier. Une tonne de houille peut donc fournir dès à présent le travail de trois hommes occupés une année durant. En ne prenant même que la moitié de ce chiffre, on trouve que les 256 millions de tonnes de houille que l’industrie du globe entier consomme annuellement remplacent près de 400 millions d’ouvriers !

Cette consommation augmente avec une inquiétante rapidité. L’Angleterre à elle seule fournit la moitié de la quantité dont l’industrie a besoin (125 millions de tonnes en 1872) ; un sixième (42 millions de tonnes) est fourni par l’Allemagne, un autre sixième par les États-Unis, le reste principalement par la France, la Belgique et l’Autriche, Hongrie, car la Russie produit tout au plus 1 million de tonnes par an. Jusqu’à présent, on le voit, l’Europe a eu presque le monopole de la production du charbon que consomme l’industrie, et c’est ce qui lui a si longtemps assuré une suprématie. incontestée. Cependant est-elle sûre de garder à jamais cette