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Les Russes possèdent en Asie des gisemens de houille et d’anthracite sur les deux versans de la chaîne de l’Oural, au pied de l’Altaï (dans le gouvernement de Tomsk), dans la steppe des Kirghiz (aux environs de Semipalatïnsk), dans le Caucase, puis dans le Turkestan au pied des monts Alatau et Karatau, au nord-est de Tachkend, enfin dans le voisinage de Sergiopol et de Kouldja, d’où les Chinois tiraient déjà du charbon. Une partie seulement de ces gisemens, auxquels on en pourrait ajouter beaucoup d’autres d’un moindre rapport, est exploitée, et l’on n’a encore que des données assez vagues sur la richesse des dépôts ; mais le gouverneur-général du Turkestan a chargé un ingénieur des mines d’une enquête sur cette question.

Les gîtes carbonifères du Turkestan russe sont une ressource providentielle pour le futur chemin de fer des Indes, qui doit côtoyer les monts Karatau. M. de Hochstetter pense qu’ils appartiennent au terrain houiller proprement dit, ce qui ferait supposer que cette formation s’étend sur de vastes espaces le long des pentes nord-ouest de l’Altaï et du Thian-chan ; le chemin de fer circulaire dont il a indiqué le tracé aurait donc, pour ainsi dire, une mine de houille aux portes de chaque station.

Le charbon des monts Karatau est de l’anthracite de bonne qualité, et sert déjà à l’approvisionnement de la flottille de bateaux à vapeur que les Russes entretiennent sur la mer d’Aral. Comme ces gisemens sont accompagnés de minerais de fer, de cuivre et de plomb, il y a là tous les élémens d’une florissante industrie. Le Turkestan est d’ailleurs un des plus anciens centres miniers. Le géographe arabe Istakhry, qui vivait au Xe siècle, nous apprend que le Fergana (le Khokand actuel) produit beaucoup d’or, puis aussi de l’argent, du mercure, du fer, du cuivre, du plomb ; il ajoute que dans cette contrée « il existe une montagne que l’on dit formée d’une roche noire qui brûle aussi bien que du charbon. On en a trois charges pour un dirham ; les cendres sont employées à blanchir le linge. »

La Chine est probablement avec le Turkestan le pays où la houille a été le plus anciennement utilisée comme combustible. Au xiir3 siècle, Marco Polo constate que les habitans du Cathay brûlent en guise de bois une pierre noire qu’ils appellent meï. Pour une contrée presque entièrement privée de bois, — les maigres broussailles qui poussent sur les pentes des collines ne peuvent être rasées que tous les trois ans, — ce combustible minéral est un élément de vie. Cependant on l’exploite toujours par les mêmes procédés primitifs qui étaient sans doute en usage il y a mille ans : on attaque les flancs des collines par des galeries inclinées, et on les déserte aussitôt que l’eau commence à se montrer. Cette année, les premières machines