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s’entendre et de marcher ? C’était difficile peut-être, ce n’était point impossible. Il fallait avant tout que le ministère acceptât dans toutes ses conséquences son rôle d’initiative, de direction, et qu’il y eût dans la chambre une majorité ayant le courage d’être sensée, disciplinée, de renoncer à tout ce qui pourrait créer des difficultés incessantes, de subordonner ses fantaisies, ses passions et ses préjugés aux nécessités supérieures de la situation nouvelle. C’était le moyen de faire vivre la république, comme on le dit aujourd’hui, de l’accréditer, de la préserver des conflits, souvent mortels, selon le mot récent de M. le ministre de l’intérieur, ou même des apparences, des menaces de conflits.

Évidemment il y a des hommes qui l’ont compris dès le premier jour. Le ministère lui-même, lorsqu’il présentait son programme au mois de mars, sentait qu’il devait se hâter de préciser et de fixer la politique en faveur de laquelle il demandait l’appui d’une majorité. Dans la chambre, bien des esprits sensés et clairvoyans se sont dit que la première nécessité serait de créer autour d’un ministère rassurant pour la république une force compacte, disciplinée par la raison et par la modération. Ils n’ont pas tardé à voir le danger de cette effervescence de passion ou de fantaisie républicaine qui s’est manifestée, dès le commencement, par toutes sortes de propositions excentriques, par des exubérances radicales, par des invalidations systématiques d’élections, par des exigences puériles ou intéressées vis-à-vis du gouvernement, par une jactance de victorieux. Allons plus loin : même parmi les républicains les plus ardens ou les plus impatiens, les habiles, les tacticiens auraient voulu peut-être retenir cette fougue et mettre un frein à cette intempérance. Ils jugeaient la prudence utile, et ils ont créé à leur usage, pour déguiser la modération dont ils sentaient la nécessité, ce qu’ils ont appelé d’une façon assez baroque la « politique des résultats » ou de « l’opportunisme. » Malheureusement cette situation parlementaire renouvelée par les élections, représentée au pouvoir par un ministère qui est censé s’appuyer sur une majorité républicaine, cette situation n’est point arrivée encore à se coordonner, à prendre un certain équilibre.

Le ministère, quant à lui, existe depuis quatre mois. Il est certainement animé des meilleures intentions, il a pris au sérieux le rôle que les circonstances lui ont donné et il veut le remplir. Né d’une évolution d’opinion favorable à la république, il se croit obligé, même encore aujourd’hui, de sacrifier à la république ou aux républicains des légions de préfets, de sous-préfets et de maires souvent assez innocens de tout ce qui arrive. Dans un intérêt de paix avec les partis dont il recherche l’alliance, il se prête à des transactions qu’il n’approuve pas toujours. Il n’a ménagé ni les concessions ni les négociations, et en définitive qu’a-t-il gagné depuis qu’il est au pouvoir ? Il n’est même pas assuré