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avec une infatigable activité, digne, en vérité d’un meilleur succès. M. Rosseeuw Saint-Hilaire, amené par l’ordre des temps en présence de cette curieuse figure, de la princesse des Ursins, a pris évidemment plaisir à en tracer un nouveau portrait, et de là le petit volume, d’une lecture attachante et facile, qu’il a donné à part en le détachant du douzième volume de son Histoire d’Espagne. Tout n’est pas dit encore sur cette femme spirituelle et résolue. Sa vaste correspondance n’est pas même encore toute réunie. Le volume de ses lettres retrouvées en Suède[1] nous a rendu toute l’histoire, inconnue jusqu’alors, de son premier mariage et de son rôle en Italie ; mais d’autres parties de sa correspondance sont encore inédites : une centaine de pièces au moins se retrouvent dans les registres des archives de notre ministère des affaires étrangères, et quelques lettres isolées ont été publiées en outre par divers écrivains, par MM. Rathery, Gustave Masson, Hippeau, Sénemaud. Ces documens, particulièrement ceux des archives du ministère des affaires étrangères non encore imprimés, se rapportent, il est vrai, à l’histoire de la guerre de la succession plutôt qu’à la biographie même de Mme des Ursins ; ils n’en sont que plus importans pour qui veut suivre jusque dans le détail cette étonnante activité de femme prenant sur soi, sans y regarder, toutes les inquiétudes et tous les soins. M. Rosseeuw Saint-Hilaire, lui, se proposait de réunir et d’interpréter les grands traits de cette. physionomie, et non de présenter une simple biographie érudite : il a donc fort bien mis en œuvre les récits de Saint-Simon sans lui-même cesser un instant de conserver le ton et la manière qui seuls conviennent à l’historien. On sait quel caractère particulier s’attache à cette Histoire d’Espagne : elle est écrite par un protestant convaincu et ardent. Il faut se hâter d’ajouter (cela est aussi très connu) que la conscience de l’homme de bien vient promptement ici corriger ce qu’on pourrait redouter de partiale influence. Il y a des gens qui professent qu’il faut, si l’on veut les bien connaître, visiter les pays chauds en été et les pays froids en hiver ; ceux-là pourront souhaiter que l’écrivain soit en communauté d’idées religieuses avec le peuple dont il entreprend d’écrire l’histoire.

Pour ce qui concerne l’Espagne, nous n’avons pas besoin de compter beaucoup sur l’impartialité de M. Rosseeuw Saint-Hilaire pour croire avec lui que le génie de cette nation a mal compris parfois le christianisme, et pour maudire en particulier, de concert avec l’historien, ici comme ailleurs, la trop célèbre Inquisition ; mais c’est une raison de plus pour ne vouloir reconnaître son influence que dans les circonstances où incontestablement elle paraît. Par exemple, c’est à

  1. Lettres inédites de la princesse des Ursins, recueillies et publiées par M. A. Geffroy ; in-8o, Didier, 1859.