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de Cervolle dit l’Archiprêtre, que le régent nomma en 1358 son lieutenant en Nivernais, finit par épouser une des plus opulentes héritières de Bourgogne. Lyon du Val, qui remit au régent en 1359 les forteresses de Juilly et d’Oissery, non-seulement stipulait pour lui et ses hommes le pardon complet de toutes les énormités dont ils s’étaient rendus coupables et la restitution de leurs biens et revenus confisqués, mais il obligeait encore le fils du roi Jean à le nommer son huissier d’armes. La France prit à sa solde bon nombre de ces compagnies à la tête desquelles, comme on sait, Du Guesclin alla soutenir en Castille contre don Pèdre la cause de Henri de Transtamare ; mais l’événement prouva combien peu l’on pouvait compter sur ces aventuriers. Quand Du Guesclin, après avoir placé Henri sur le trône, eut été rappelé en Espagne par une révolution soudaine et vint se faire battre à Navarette, le Prince Noir eut l’adresse de détacher des Français et de faire passer de son côté une partie des bandés de Du Guesclin. Cette bataille, observe judicieusement M. E. Boutaric, n’a point été, ainsi qu’on l’a dit, le tombeau des grandes compagnies ; elles rentrèrent en France pour continuer à la ravager, et elles devinrent l’effroi de la population ; elles dévastèrent la Bourgogne et la Champagne et se rendirent maîtresses d’Étampes. Charles V eut à craindre un instant pour sa capitale. On prêcha une croisade contre elles. En 1365, le pape Urbain V les avait excommuniées ; ces excommunications furent renouvelées et les fidèles exhortés à combattre les bandits. Les villes s’armèrent. On faisait la garde aux portes ; on les attaquait de tout côté, en même temps que dans les églises on adressait publiquement des prières au ciel pour obtenir la délivrance de ce fléau. On composa des hymnes à cette intention.

Malgré ses souffrances, la France commençait à respirer depuis la victoire de Cocherel. Sans doute le parti français avait succombé en Bretagne à Auray, où périt Charles de Blois, où Du Guesclin fut fait prisonnier ; mais si Montfort obtint le duché par le traité de Guérande, il se reconnut le vassal du roi de France. Il restait cependant encore bien à faire pour affranchir le territoire, il fallait chasser les Anglais du Poitou et de la Guienne. Telle fut la tâche glorieuse dont s’acquitta Du Guesclin, qui venait de recevoir l’épée de connétable. L’ennemi retenait dans le midi et l’ouest de la France une multitude de places. Si c’était là pour lui une force, c’était aussi une cause de faiblesse, car il se voyait obligé d’éparpiller ses soldats, de les répartir en une foule de garnisons qui n’avaient pas toujours le temps de se prêter main-forte quand l’une d’elles était attaquée. Pour débusquer les Anglais de toutes leurs positions, il était nécessaire d’enlever rapidement chacune de ces forteresses avant qu’elles n’eussent le temps d’être secourues ; c’est à cela