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parmi les populations du sud et du nord-ouest ; partout ailleurs la propriété commune s’est évanouie, et avec elle le lien civique de la communauté. Le zemindar s’est transformé d’abord en fermier-général, puis en concessionnaire du fonds, tandis que ses administrés descendaient à l’état de simples tenanciers. Les autres fonctionnaires, notamment le comptable et le garde champêtre, se sont perpétués jusqu’à nos jours ; mais ils ne représentent plus que des agens mis au service du pouvoir exécutif.

Aussi était-ce non point à ces débris des anciennes communautés rurales, mais aux grandes agglomérations d’origine récente, que l’Angleterre devait s’adresser tout d’abord pour trouver l’habitude des affaires et l’esprit d’indépendance indispensables à la bonne gestion des intérêts municipaux. Le gouvernement anglais s’est gardé ici encore de procéder par une loi abstraite et générale ; mais, fidèle aux idées pratiques qui l’ont si souvent servi dans l’Inde, il a traduit ses vues par une série de dispositions spéciales et partielles qui se sont corrigées et complétées l’une l’autre, à mesure que l’expérience des faits indiquait la possibilité d’un progrès ou la nécessité d’une réforme. Après avoir débuté par établir à Calcutta, à Bombay et à Madras des comités municipaux directement choisis par l’autorité elle-même, il donna aux magistrats des districts le droit d’appliquer les mêmes dispositions à toutes les villes de leur ressort qui en feraient la demande. Cependant il ne tarda pas à s’apercevoir que les villes de l’intérieur montraient fort peu d’enthousiasme pour une organisation fertile en taxes nouvelles, et, par plusieurs actes successifs, il autorisa les magistrats à constituer d’office, quand ils le jugeraient opportun, des comités municipaux chargés de voter les fonds et les impôts nécessaires à l’organisation de la police, au service de la voirie, à l’éclairage des rues, etc. Dans quelques provinces, ces administrateurs purent même réunir en une seule municipalité plusieurs bourgs ou villages voisins, pourvu qu’ils ne fussent pas séparés par un mille de terrains non bâtis. Jusqu’ici toutefois le gouvernement s’était borné à alléger sa propre besogne en rejetant sur des commissaires municipaux des charges qu’à leur défaut il aurait dû exécuter lui-même ; mais en 1868 il se décidait à introduire le principe électif dans la composition de quelques municipalités provinciales où un certain nombre de sièges fut laissé au choix des contribuables, et, cette expérience ayant réussi, il l’étendit en 1872 à la cité la plus active et la plus avancée de l’Inde, à cette ville de Bombay qui, suivant M. Grant Duff, est appelée à remplir, entre les civilisations de l’Orient hindou et de l’Occident chrétien, le rôle de l’antique Alexandrie aux premiers siècles de notre ère parmi les sociétés en présence sur les bords de la Méditerranée.