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d’argent de 5 francs, ont, éconduit les négociateurs suisses, MM. Kern, Feer-Herzog et Lardy, et comme pour montrer que l’union n’était pas compromise par le fait d’être fondée sur la notion du double étalon et le nombre 15 1/2, on y a incorporé la Grèce, qu’on est fort étonné de voir apparaître en cette affaire. Quelle force l’adhésion du gouvernement grec peut-il apporter à l’union et comment rentre-t-elle dans l’union latine ? Besogneux comme il est, il a fait le même calcul que les Belges et les Italiens, et il est enchanté de l’aubaine.

Avec ces manières d’agir quelle situation a-t-on faite déjà à notre patrie et quelle perspective lui ouvre-t-on pour le fait des monnaies ? Nous trouvons de nombreux élémens de la réponse à cette question dans le rapport de la commission d’enquête choisie par la chambre des communes en Angleterre, à l’effet d’examiner les causes et les effets de la dépréciation de l’argent. Voici quelques simples faits concernant la France que nous ramassons dans ce rapport : Dans les quatre années terminées au 31 décembre 1875, la quantité nette du métal argent que la France a reçue par délace qu’elle a exporté est de 837 millions de francs[1]. Pendant les quatre années précédentes, terminées le 31 décembre 1871, ce n’avait été que 271 millions de francs, et dans la période pareillement de quatre années, antérieure à celle-ci, c’était fort au-dessous de cette dernière somme.

Ainsi l’argent s’accumule en France dans de fortes proportions, par suite des dispositions, correctes en l’an XI, mais devenues vicieuses et contraires aux faits, qu’ont perpétuées le législateur et l’administration. En supposant une dépréciation de 20 pour 100, la perte sur les 837 millions est de 209. Pour une bonne part, ce sont nos anciennes pièces de 5 francs, éparses en Europe et au loin, qui nous rentrent parce qu’on fait un commerce très productif par la simple opération de venir chez nous les échanger contre de l’or.

Autre fait non moins éloquent : En 1871, la Banque de France n’avait en pièces de 5 francs que 70 ou 80 millions de francs. Elle en avait, en avril dernier, 540 millions. Mais la Banque de France n’a pas le droit de se plaindre : elle est venue à l’enquête de 1869-1870 recommander de toutes ses forces le maintien du double étalon et le nombre 15 1/2 toujours cher à son cœur.

On voit par là quel genre d’affaires nous faisons sous le joug de la routine qui nous lie les mains. Nous sommes le seul pays dans l’Europe centrale et occidentale à qui il arrive de telles choses. L’Autriche, à laquelle nous nous croyons fort supérieurs, a mené

  1. Ici et dans le reste de cette étude, nous exprimons les quantités d’argent en francs, d’après l’ancienne méthode, qui assimile le franc à 4 grammes 1/2 d’argent fin.