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faire, les nations modernes ne reprendront plus l’argent pour leur monnaie principale.

Comment, sous l’empire de circonstances pareilles, l’argent ne se déprécierait-il pas par rapport à l’ensemble des marchandises et particulièrement par rapport à l’or ? Quelles forces comparables en faveur du maintien de la circulation de l’argent sur le pied ancien pourrait-on opposer à celles-ci ?

Dans le sénat et en dehors, à l’occasion de la dernière discussion, quelques personnes ont pensé et dit qu’il ne fallait pas s’exagérer la puissance des nouvelles mines d’argent des États-Unis ; que la richesse du dépôt sur lequel on est tombé, en exploitant le filon de Comstock, pourrait bien n’être qu’un accident passager. Le comité de la chambré des communes, qui en général est très circonspect dans son langage, n’encourage pas cette manière de voir. Il met en relief la croissance rapide de la production de l’argent dans la région des États-Unis dont il s’agit. En 1860, elle n’atteignait pas un million de francs ; elle ne peut en 1876, dit le rapport, être au-dessous de 225 millions sur 450 que produira le monde entier ou du moins la partie accessible aux Européens. Le Mexique, jusque-là le pays producteur par excellence, se tient à 150. La majeure partie de la production des États-Unis est aujourd’hui le fruit d’un seul filon, celui de Comstock, qui n’est que très imparfaitement exploité encore, mais qui va l’être beaucoup mieux, grâce à la magnifique galerie navigable qu’achève, pour l’écoulement des eaux souterraines et profondes et pour le transport économique des minerais en dehors de la montagne, un mineur aussi intrépide qu’éclairé, M. Adolphe Sutro. Une des compagnies qui travaillent ce filon vient de distribuer à ses actionnaires 60 millions de francs pour 1875 sur une extraction de 85 millions. Il faudrait bien de la bonne volonté pour voir là un symptôme de décadence, une preuve de l’appauvrissement prochain du filon ; il faudrait le scepticisme du philosophe Pyrrhon pour croire que cette production extraordinaire des États-Unis va s’interrompre brusquement. Et quelle indication en a-t-on ? Des hommes du métier, des ingénieurs de choix, ont pénétré dans les deux principales concessions du filon, et ont pu, grâce aux vastes travaux de reconnaissance exécutés par les exploitans, constater qu’on avait sous la main des richesses immenses. Quand la production d’une mine est notoirement en croissance continue, en conclure qu’elle va s’amoindrir, serait méconnaître la logique la plus élémentaire et le sens commun. On peut même faire la remarque que les mines d’argent de la chaîne des Andes sont peu sujettes à s’épuiser. Le Potosi a bien longtemps donné des trésors ; il s’exploite encore après plus de trois siècles. Les célèbres mines du Mexique, celles de Zacatecas, de