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de M. Rouland ne pouvait donc rien établir et n’a rien établi du tout, si ce n’est que la Banque de France, qui n’était aucunement en question, est une grande institution où règne un ordre parfait et qui est parfaitement gouvernée, surtout depuis que M. Rouland en est gouverneur. Il a révélé, ce qui ne surprendra pas le public, qu’on sait à un centime près en quoi consiste le mouvement très considérable qui s’y opère en monnaies d’or et en monnaies d’argent. Il a ajouté que les mineurs de Valenciennes, de Saint-Étienne et d’Alais, — qu’à ce qu’il paraît il a consultés, et que nous prenons la liberté de ne pas regarder comme des autorités suprêmes en la matière, — tenaient infiniment à la pièce de 5 francs d’argent. Je crois qu’ils tiennent plus à recevoir un beau salaire, et que, fût-il en or, ils le recevraient avec satisfaction. Au surplus, il ne s’agit point d’abolir cette pièce. Il y aura toujours une pièce d’argent de 5 francs, et le conseil supérieur du commerce de 1869-70, aux conclusions duquel nous nous référons, ne proposait pas de la faire disparaître même sous sa forme et avec sa teneur actuelle. Enfin, quand il a fallu dans sa péroraison frapper un grand coup et faire une impression profonde sur l’esprit des sénateurs, pour que l’illustre assemblée fût pleinement rassurée, voici ce qu’a fait M. Rouland ; dans un élan de patriotisme, il s’est écrié, au rapport de l’Officiel : « La commission dans son bon sens vous dit : Nous veillons comme une sentinelle avec le fusil au bras. Eh bien ! s’il y a un danger, nous faisons feu. Sinon, nous restons l’arme au bras, » Pour achever de rasséréner MM. les sénateurs qui peut-être auraient eu des doutes sur les effets stratégiques du fusil si fièrement brandi par M. Rouland, il s’est empressé d’ajouter : « Je puis vous dire que, pour la commission, elle n’a aucune inquiétude. » De sorte que, quand bien même le formidable mousquet viendrait à rater, le sénat et la France peuvent dormir tranquilles.

M. Rouland, cela est clair, garde imperturbablement les idées qu’il vint exposer au conseil supérieur, dans l’enquête de 1869-1870, où il fut entendu comme gouverneur de la Banque. Il était convaincu alors que le rapport de 1 à 15 1/2. entre la valeur de l’or et celle de l’argent était une loi de la nature, une des conditions de l’équilibre du monde ; que les écarts, s’il y en avait, ne pouvaient être qu’insignifians et passagers. Voici ses paroles tirées des procès-verbaux de l’enquête : « La loi de l’an XI, il est vrai, a établi entre les deux métaux un rapport de valeur qui peut changer ; mais tout examiné, tout compensé, l’équilibre se rétablit toujours entre eux, et à l’heure actuelle le rapport légal est la vérité en fait. » Si M. Rouland avait pris la peine de consulter ses souvenirs historiques, il aurait reconnu qu’il se trompait, que le rapport