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donc surtout en équité et selon l’utilité, ex œquo et bono, dans ces matières ; il se formait ainsi, par une méthode analogue à celle d’où était sortie dans les colonies romaines l’édit du préteur, une jurisprudence favorable à l’assimilation comme le droit prétorien l’avait été à l’unité de l’empire. Une loi du 16 juin 1851 la sanctionna par un ensemble de dispositions desquelles il résultait que les exceptions établies en faveur des juifs relativement aux droits de famille continuaient seules de subsister. Le sénatus-consulte de 1865 remit ensuite tout en question. Nous avons montré ici même[1] quelles confusions il amena dans le domaine juridique, en plaçant les juifs dans une condition légale pleine d’anomalies. Le seul remède était de rattacher cette catégorie au droit commun. C’est ce qu’a fait le gouvernement de la défense nationale, en lui accordant par le décret du 24 octobre 1870 le bienfait de la naturalisation. Tel est l’ensemble des causes et des faits qui ont substitué par une progression régulière la justice française à celle des rabbins, et notre loi aux antiques prescriptions du mosaïsme.


II. — TRIBUNAUX MUSULMANS.

La population juive, privée d’autonomie, ne formant qu’une faible et inoffensive minorité, doublement préparée d’ailleurs à subir les exigences du vainqueur, parce, qu’elle voyait en nous des libérateurs, et en vertu du précepte hiérosolymite de la soumission aux autorités temporelles : suis la loi du royaume que tu habites, si on te l’impose… elle devient la loi de Dieu, pouvait être sans peine ramenée à l’unité française ; mais le problème de l’assimilation des indigènes musulmans a toujours troublé et divisé ceux qui l’envisageaient. Les uns le tiennent pour insoluble, d’autres, sans en méconnaître les difficultés, ne désespèrent point d’un résultat favorable. Ceux-ci peuvent différer sur les moyens pratiques d’atteindre un même but ; chez ceux-là, tous ne s’entendent pas sur le but. Deux opinions diamétralement opposées se sont formées : celle de l’élimination des indigènes et la doctrine du parallélisme. Les idées barbares de l’élimination n’ont rencontré que peu de partisans. Dans le système du parallélisme, auquel s’était arrêtée en dernier lieu la politique impériale, l’on partageait le territoire en deux zones, l’une destinée à la colonisation, l’autre réservée à l’indigénat, autrement dite le royaume arabe. La justice étant un des principaux élémens de toute organisation sociale et l’auxiliaire indispensable du pouvoir, il fallait à chaque changement de régime mettre les institutions judiciaires en harmonie avec l’esprit général du nouveau

  1. Voyez la Revue du 15 août 1875.