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c’est-à-dire explications, gloses, décisions légales des apôtres et principaux disciples du prophète ; 4° le Kiyas ou Mâkoul, recueil de décisions des imans, interprétatives des Hadiss et du Koran. « Les deux premiers livres, ajoute-t-il, sont appelés Kat’iyé, ce qui veut dire fondamentaux, primitifs, renfermant les principes de la loi et de la doctrine mahométanes ; les deux derniers Idjthi hadiyé, ou livres secondaires explicatifs. » En Algérie, une division en trois parties a prévalu avec des mots un peu modifiés. Les cadis distinguent le Koran, la Sonna, comprenant les enseignemens émanés du prophète et recueillis par ses disciples ou leurs élèves, qui constitue la loi traditionnelle des Arabes, et ils désignent sous le nom d’Hadits la jurisprudence complémentaire des imans, personnages chargés, comme on sait, de professer le dogme et la législation.

L’on voit par ce qui précède que, si les jurisconsultes musulmans, comme ceux de l’antiquité, séparent le droit civil de la loi religieuse, la conscience populaire n’aperçoit pas clairement la ligne de démarcation entre les deux statuts. Il en résulte que, par suite de l’étroite relation existant partout entre la loi et l’autorité investie. du pouvoir de l’appliquer, les institutions judiciaires doivent être envisagées avec des dispositions d’esprit analogues. Dans les idées musulmanes, toute justice émane de Dieu ; aussi appartient-elle en dernier ressort au représentant terrestre de la divinité, le sultan (et par délégation le pacha ou le bey), et le Koran prescrit-il à celui-ci d’ouvrir chaque jour quelques heures son hakouma (maison de justice) aux personnes qui s’adressent à son équité.

Le magistrat spécial chargé de rendre la justice est le cadi, dont le tribunal constitue l’unique degré de juridiction connu chez les musulmans. A côté du cadi et pour l’assister dans l’exercice de ses fonctions, qui sont multiples, car elles comprennent des attributions extra-judiciaires, siègent deux fonctionnaires appelés l’adel et le bach-adel ; ils remplissent auprès de lui l’office de greffiers, le suppléent au besoin, mais ne lui servent jamais d’assesseurs. Dans tous les cas, le juge ou son suppléant est seul à statuer.

Pour tempérer l’insuffisance de garanties inséparable de l’institution d’un juge unique, on avait imaginé un mode de recours singulier, qui consistait à en appeler de la sentence du cadi au cadi lui-même mieux informé. Dans ce cas, le magistrat dont on critiquait la décision réunissait un conseil appelé medjelès, composé d’un cadi du rite opposé au sien (hanéfîte[1] quand il était lui-même malékite et réciproquement), de plusieurs imans et tolba (savans), dont il demandait l’avis. Il statuait ensuite à nouveau sans être obligé de se conformer à l’opinion émise par eux. Après

  1. Le rite hanéfite est celui des Turcs et des Koulouglis, issus du mélange de sang arabe et turc.