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de guides. Lacurne de Sainte-Palaye, en 1739 et 1749, va recueillir au-delà des Alpes les matériaux destinés à son savant glossaire ; de l’ancienne langue française. Plus tard, de 1776 à 1783, La Porte du Theil, désigné par le ministre Bertin et secondé par notre ambassadeur Bernis, explore dans la seule ville de Rome, à la Vaticane, au château Saint-Ange, à la Vallicellana, plus de 20,000 in-folios manuscrits. Sans compter les mémoires qu’il a publiés, ses papiers, conservés à la Bibliothèque nationale de Paris, contiennent les analyses ou les copies de près de 18,000 pièces. De notre temps aussi, le gouvernement français n’a pas cessé d’envoyer en Italie des savans spéciaux pour faire des copies, des collations ou des recherches érudites. Le ministère de l’instruction publique reçoit de ces savans des rapports et des travaux souvent remarquables, qu’il imprime dans le très utile recueil des Archives des Missions. Personne n’ignore quels services sont rendus par une tradition si libérale, et peut-être est-ce le souvenir de cette longue expérience qui, lorsqu’on a songé à fonder au-delà des Alpes une école permanente d’érudition et d’histoire, a suscité chez de bons esprits certains doutes. « Ne suffirait-il pas, ont-ils dit, de multiplier les missions ? Ce ne sont pas les sujets de travaux, ce ne sont pas les candidats qui manquent. N’est-ce pas assez, si l’on veut imprimer aux diverses recherches une direction d’ensemble, de les distribuer, de les coordonner au départ, en réservant le perpétuel contrôle de l’Institut ? N’obtiendrait-on pas de la sorte une série continue de travaux, facile à augmenter, facile à restreindre ? Y avait-il besoin d’une institution nouvelle ? » — Ces scrupules ne tiendront pas, on peut le penser, contre la démonstration d’une utilité réelle et contre les premiers résultats obtenus. Certes si l’on pouvait espérer de rencontrer souvent des Mabillon et des Montfaucon, si nos chargés de missions ajoutaient fréquemment à leur zèle la force de travail et la science des anciens bénédictins, il n’y aurait rien à faire ; mais ils risquent trop de marcher isolés dans une carrière dont ils n’aperçoivent quelquefois que trop tard les plus sûrs chemins. Alors même que les conseils et les directions de l’Institut ne leur font pas défaut, ils peuvent rencontrer des fortunes ou des difficultés imprévues qu’ils sont peu préparés à éviter ou bien à mettre à profit. Ne voyant auprès d’eux ni collaborateurs désignés, ni futurs successeurs, ils sont impuissans à fonder et à transmettre une tradition ; tout au plus suffisent-ils à des tâches nettement déterminées et qui s’offrent d’elles-mêmes.

Le groupement des efforts est sans nul doute plus fécond. Quelles éloquentes preuves n’en avons-nous pas déjà ? Notre École française d’Athènes, fondée en 1846, a fait des campagnes moins dispendieuses et aussi profitables à la science que celles de