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d’une science sévère et précise. C’est dire que d’une part, en vue d’une éducation très directe et très ferme des esprits, elle voudra se tenir sur le solide terrain de l’érudition, et que d’autre part elle n’aura garde de méconnaître les occasions magnifiquement offertes d’une culture désintéressée et supérieure. La vivacité des impressions, le charme intime des émotions intellectuelles et morales, l’enthousiasme même, ne demeureraient pas ou ne porteraient pas de fruits durables, s’ils ne se traduisaient dans les patiens et longs efforts d’un travail dévoué. L’inspiration ne se montrera assez profonde, elle n’aura suffisamment pénétré qu’après avoir résisté à l’épreuve des plus sérieux travaux scientifiques ; mais ceux-ci à leur tour ne l’étoufferont pas. Un des plus habiles antiquaires de Rome raconte volontiers qu’au début de sa carrière certaines paroles dédaigneuses de M. Mommsen (un maître habile, mais âpre et sec quelquefois) avaient failli le décourager pour toujours, mais qu’ayant lu à vingt-cinq ans la lettre à M. de Fontanes au milieu de la campagne romaine, il avait repris possession de lui-même et retrouvé son évidente vocation. Ce que le génie français contient d’excitations et d’encouragemens pour des étrangers, nous ne le mépriserons pas pour nous-mêmes : les membres de l’École française de Rome, pour tendre à devenir de bons érudits, ne cesseront pas de relire la célèbre page de Chateaubriand ; ils s’enfermeront des semaines et des mois dans les galeries épigraphiques, dans les bibliothèques et les archives, mais sans méconnaître Rome, Naples, Païenne, Florence, et ils justifieront une fois de plus le proverbe oriental, qu’on ne marche pas impunément sous les palmiers.

Pour répondre à l’infinie variété des sujets d’étude qui lui sont offerts, l’École française de Rome est composée de membres d’origines très diverses. Aux termes du décret du 20 novembre, elle doit compter six pensionnaires nommés pour une première année, puis pour une seconde et une troisième, suivant avis de l’Institut. Ce sont d’abord un élève sortant de l’École normale supérieure ayant conquis son titre d’agrégé, un élève sortant de l’École des chartes ayant le titre d’archiviste paléographe, un élève sortant de l’École pratique des hautes études muni du diplôme spécial que délivre la section d’histoire et de philologie de cette école. Un jeune savant signalé par ses seuls travaux, un jeune docteur reçu avec distinction peuvent aussi être désignés. L’administration des Beaux-Arts a eu, disions-nous, dès l’origine son représentant dans cette famille ; rien n’empêche que le ministère de l’instruction publique n’y adjoigne encore quelques jeunes gens munis de bourses de voyage ; il sera souhaitable enfin que toute mission littéraire en Italie relève désormais de l’École de Rome : nous doublerons nos forces en les coordonnant et en les concentrant.