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ce qui les touche, tantôt restés presque anonymes jusqu’à ce jour, par une de ces injustices de la postérité qu’il appartient à la science équitable de corriger. Les renseignemens nouveaux abondent dans le recueil de M. Müntz soit pour mieux fixer les dates d’importans travaux exécutés par fra Angelico, Benozzo Gozzoli et autres dans la basilique de Saint-Pierre, soit sur tout ce qui concerne des artistes tels que Perino del Vaga, Jean d’Udine, Sébastien del Piombo, Daniel de Volterra. Rien de plus intéressant que de suivre, comme ces documens le permettent quelquefois, les destinées des plus célèbres d’entre les édifices de l’antiquité à travers le XVe et le XVIe siècle : on voudrait pouvoir y joindre les informations du moyen âge. Des monumens tels que le Colisée, par exemple, possèdent comme une vie propre que leur ont faite leur durée à travers les siècles et les souvenirs de respect, de crainte, de reconnaissance qu’ils ont laissés dans l’esprit des hommes. Témoins des triomphes de l’antiquité classique, ils ont subi les assauts des barbares, mais en résistant et en donnant asile à des populations entières, en devenant pendant les siècles de fer des refuges au milieu des ruines. Peu d’époques leur sont aussi funestes que l’ingrate renaissance : un pape vend au poids les tenons de bronze de ces édifices antiques ; Nicolas V, au milieu du XVe siècle, fait extraire en quelques mois 2,300 charretées de travertin du Colisée pour construire avec ces matériaux la tribune de Saint-Pierre ; on connaît le bref de Léon X conférant à Raphaël une suprême autorité pour disposer, en vue de la construction de la grande basilique, de tous les marbres à recueillir dans Rome et dix milles à l’entour. — Les témoignages sur les malheureuses réparations faites à des monumens du moyen âge peuvent servir à nous faire entrevoir ce qu’étaient ces œuvres d’un art intéressant et imparfaitement connu, que les papes et les artistes des grands siècles ont comme pris à tâche de faire entièrement disparaître de Rome. L’histoire de l’art tient de bien près, comme chacun sait, à l’histoire intellectuelle et morale, et presqu’à l’histoire politique d’un pays tel que l’Italie ; aussi le recueil d’informations inédites que M. Müntz a dressé avec un si entier dévoûment sera-t-il longtemps et souvent consulté par les biographes, par les économistes, par les artistes et les praticiens, pour l’étude des arts, des procédés techniques, du luxe, des mœurs et des idées.

Le tableau que nous venons de tracer, quelque plein qu’il soit, ne rend pas encore un compte exact de toute l’activité qu’a déployée l’École française naissante ; on ne l’aura définitivement qu’avec l’impression de ses actes, qui se prépare. Nous n’avons pas parlé d’une excursion de plusieurs membres de l’École en Sicile, d’où ils ont rapporté des inscriptions inédites ; nous n’avons pas dit