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les confins avaient été maintenus à titre provisoire. En 1746, les régimens de la Sirmie et de la Slavonie furent dissous. Mais les Magyars réclamaient l’exécution intégrale de la loi de 1741. Le cabinet de Vienne céda, et en 1750 il prit des mesures pour réunir successivement au comitat de Bács les confins de la Tisza (Theiss) sauf quelques villages réservés au corps des tchaïkistes ou pontonniers que l’on conservait, et aux comitats d’Arad et de Csanád les confins de la Moros. Comme on s’attendait à mécontenter par ces mesures les gränzer ou confinistes, on permettait à ceux qui voulaient continuer leur métier de soldats, d’aller s’établir dans les confins du banat que l’on maintenait. Encore ce déplacement ne leur promettait-il aucune sécurité, car les confins du banat pouvaient être comme les autres annexés aux comitats hongrois. Si cette transformation mécontentait les Serbes, c’est que leur nation vivait compacte et seule dans les confins, et que là ils relevaient directement de l’empereur et de leurs officiers : annexés aux comitats, ils disparaissaient dans le royaume de Hongrie, ils étaient soumis à la féodalité et à l’administration magyare. Seules, 2,400 familles acceptèrent le déplacement qui leur était offert et vinrent s’établir dans le banat. Les autres restèrent — ou émigrèrent en Russie.

La Russie avait conquis sur la Turquie de vastes espaces peu peuplés ou même déserts. Les colons de toute nation étaient les bienvenus chez elle, et si elle donnait des terres à des colons allemands, catholiques et luthériens, on pense qu’elle accueillait avec plus de satisfaction encore des colons slaves et orthodoxes. La valeur des troupes serbes était connue en Russie, et dès 1727 l’impératrice Anne avait formé un régiment de hussards serbes, qui avait été établi en Ukraine comme colonie militaire. Le mécontentement des Serbes des confins était une trop bonne occasion pour que la Russie la laissât échapper. L’impératrice Elisabeth fit proposer aux Serbes de venir s’établir dans son empire orthodoxe, sur des territoires conquis aux Turcs ou même disputés entre la Russie et la Turquie. Malgré la distance, malgré la difficulté des communications, un grand nombre de familles serbes acceptèrent cette proposition. Une première colonne, composée de plusieurs milliers de personnes, partit sous la conduite des capitaines Horvat et Tökölyï, elle reçut, en arrivant en Russie, une organisation analogue à celle qui la régissait en Hongrie, et forma deux régimens. En 1752 et 1753, de nouvelles et nombreuses troupes d’émigrés les suivirent. Ainsi les descendans de ceux qui avaient quitté la Turquie pour l’Autriche abandonnaient à leur tour l’Autriche pour la Russie. Les historiens serbes évaluent leur nombre à environ 100,000, et ils formaient une colonie assez considérable pour qu’un ukase de 1752 donnât le nom de Nouvelle-Serbie au territoire où ils étaient