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nation ; ce serait donner un emploi à peine convenable à ces sentimens que d’exiger qu’ils s’adressent à cette force d’hier, que les têtes éventées de Marrast et de Tocqueville ont inventée pour le tourment et la perplexité de la nation française, et je puis dire qu’on fait plus d’honneur à cette constitution en la violant qu’en l’observant. Il était temps de se débarrasser de cette folie puérile. »

Il revient à la charge trois jours après : il lui reproche d’avoir été trop hostile au président la veille du coup d’état ; il raille agréablement les dépêches qui ont suivi immédiatement ce nouveau 18 brumaire. « Une de vos dépêches principalement ne parle guère que d’un miroir qui aurait été cassé dans un club et d’un morceau de plâtre enlevé d’un plafond par une des balles de la guerre des rues. » Il ne voudrait pas être devancé dans l’expression de son admiration pour le triomphateur : « Nous savons que les agens diplomatiques de l’Autriche et de la Russie ont rendu visite au président immédiatement après ses mesures le mardi matin ; ils ont fait profession de leurs sentimens d’approbation ;… ils lui font de grandes avances, et, bien que nous ne désirions pas que vous sortiez de votre chemin pour lui faire la cour ou vous identifier avec ces mesures, il serait très fâcheux qu’il pût avoir lieu de croire que vos sympathies aient été attachées aux projets qui avaient été faits pour le renverser, projets sur l’existence desquels j’ai pour qu’on ne puisse pas élever des doutes raisonnables, bien que récemment vous ne m’en ayez pas particulièrement entretenu. »

D’où venaient donc les renseignemens particuliers de Palmerston sur ces terribles projets ? et quels étaient au juste ces plans exécrables ? Palmerston a pris la peine, plusieurs années après, en 1858, de faire un petit mémoire sur ce point d’histoire ; voilà ce que nous trouvons dans son Memorandum sur quelques circonstances qui ont trait au coup d’état. Clio ! retiens ce beau récit : « Le coup d’état a été fait le mardi 2 décembre 1851 ; il était connu à Londres le jour suivant. Le mercredi 3, M. et Mme… dînèrent avec nous à Carlton Garden et me dirent qu’ils avaient été à Claremont le vendredi précédent, pour rendre visite à la reine Amélie ; ils avaient trouvé les dames de la cour française en grand émoi ; ces dames dirent à Mme… en grand secret qu’elles faisaient leurs malles, qu’elles s’attendaient à aller à Paris à la fin de la semaine suivante, c’est-à-dire à la fin de la semaine dans laquelle se fit le coup d’état. Le dimanche suivant, le 7 décembre, M. Borthwick, l’éditeur du Morning-Post, vint me voir. Il avait à me faire une communication importante et qu’il se croyait en droit de faire. Il me dit que la veille, c’est-à-dire le samedi 6, le général de Rumigny, attaché à la cour française, était venu chez lui et lui dit que, M. Borthwick ayant toujours eu des attentions pour la famille royale,