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pouvait toucher aux traités de 1815, ni demander à l’Autriche le renoncement à la Lombardie. On ne pouvait pas même exiger que l’Autriche renonçât aux traités qu’elle avait conclus avec les duchés de l’Italie centrale. L’Angleterre avait de semblables traités avec le Portugal, les grandes puissances en avaient avec la Belgique ; toutefois il convenait de limiter la portée de semblables traités aux questions de politique extérieure, à ce qui touchait à l’indépendance, à la défense envers des agressions subites, et de n’y point faire rentrer les questions de politique intérieure. L’Autriche avait le droit de défendre les duchés et Rome contre une agression, elle n’avait pas le droit d’en régler l’administration et la police.

Voilà quel était au mois de mars 1859 le niveau de la passion italienne de Palmerston : une Italie plus libre au dedans, mais toujours défendue par l’Autriche contre l’agresseur du dehors, agresseur qui n’est pas nommé, mais qui n’est autre que la France. C’était pourtant le moment où l’empereur des Français daignait écrire des lettres à ses anciens amis d’Angleterre, où il se plaignait à un sir Francis Head de l’ingratitude des « Anglais dont il avait toujours été le plus dévoué et le plus fidèle allié. » Le ministère anglais chercha vainement les moyens d’empêcher la guerre. Il faisait des propositions et posait des « bases » pouvant former l’objet des délibérations d’un congrès. Le gouvernement anglais savait que l’empereur des Français poussait M. de Cavour à la guerre ; il feignait encore de l’ignorer, il exigeait, avant de prendre part à un congrès, la reconnaissance explicite des traités de 1815 et demandait un désarmement simultané de l’Autriche et de la Sardaigne. L’imprudence de l’Autriche précipita les événemens, et la guerre éclata pendant les élections générales qui suivirent la dissolution du parlement par lord Derby. L’opinion publique ne se prononça pas contre la politique des conservateurs, et lord Derby put se croire d’abord assuré de la majorité : le canon de Magenta ne chassa pas seulement l’armée autrichienne de la Lombardie, il renversa un ministère qui avait été trop faible pour empêcher la guerre et qui déplaisait au vainqueur.

Lord Russell et lord Palmerston étaient convenus de n’entrer qu’ensemble aux affaires : la reine essaya d’abord lord Granville, mais lord Russell refusa d’entrer dans un ministère dont la direction appartiendrait à lord Granville, et lord Palmerston fut chargé de composer le cabinet ; il donna les affaires étrangères à lord Russell et les finances à M. Gladstone. Il redevenait premier ministre à l’âge de soixante-quinze ans et entrait cette fois au pouvoir pour ne plus en sortir. Quelles étaient en ce moment ses vues sur l’Italie ? Napoléon savait et Palmerston n’ignorait pas que la Prusse se tenait prête, en cas de besoin, à donner à l’Autriche un secours onéreux.

Napoléon avait promis de délivrer l’Italie des Alpes à l’Adriatique,