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cette conversation avec M. de Flahault, dont il avait conservé le mémorandum (27 mars. 1860). M. de Flahault allait partir pour Paris et demanda à Palmerston s’il n’avait rien à faire dire à l’empereur. L’ambassadeur de France se plaignit du langage de lord John Russell, qui avait exprimé des méfiances injustes envers l’empereur. Palmerston répliqua que la confiance était devenue difficile. Il était très désireux de maintenir la paix ; « mais si on forçait l’Angleterre à la guerre, l’Angleterre l’accepterait sans crainte, qu’elle fût alliée à d’autres puissances ou qu’elle fût toute seule, et, bien qu’il parlât à un Français et qu’il ne dût peut-être pas dire ce qu’il allait dire, il ne pouvait s’empêcher d’observer que les exemples de l’histoire lui permettaient de conclure que le résultat d’un conflit entre les Français et les Anglais, avec des chances à peu près égales, ne serait pas satisfaisant pour les premiers. » M. de Flahault, qui avait été à Waterloo, rendit justice à l’armée anglaise, ajoutant que l’armée française était bien supérieure à ce qu’elle était alors ; sur quoi Palmerston raconta qu’après Blenheim le maréchal Tallard dit au duc de Marlborough : « Vous venez, milord, de battre les meilleures troupes de l’Europe. — Excepté, répliqua Marlborough, celles qui les ont battues. »


IV

Les craintes que Palmerston déguisait sous son impertinence étaient peut-être bien mal fondées ; pourtant les projets que Napoléon III nourrissait sur la Belgique pouvaient l’entraîner à lutter contre l’Angleterre, car celle-ci avait cloué en quelque sorte son honneur sur la question belge. Bon gré, mal gré, elle affectait une indifférence croissante sur les autres questions européennes ; mais Palmerston du moins était décidé à mettre son nec plus ultra comme bouclier devant le royaume belge. Il avait des rapports intimes avec M. Van de Weyer, le ministre de Belgique à Londres, il écrivait souvent au roi Léopold, dont il avait fini par apprécier les hautes qualités, et dans ces lettres, il mettait le fond même de sa pensée sur les événemens qui troublaient le monde. Le salut de la Belgique devint le souci de tous les instans, le nœud autour duquel toute sa politique s’enchevêtra. Il n’est pas fâché de voir de temps en temps à la France une affaire sur les bras, en Chine, en Syrie ; il entre volontiers dans quelque « question » avec le « fidèle allié, » plus volontiers encore il s’en tire à temps, et l’y laisse enchevêtré comme au Mexique.

La biographie de M. Evelyn Ashley est très avare de détails sur ces événemens ; elle glisse aussi très rapidement sur la guerre d’Amérique, et son mutisme sur ce point est des plus significatifs.