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réellement comme il devrait exister, il aurait triomphé au scrutin par l’habile démonstration de M. Grivart, par l’éloquence lumineuse de M. Bocher, et plus probablement encore il aurait empêché la question de naître. Il aurait aidé cette majorité républicaine, éprise de l’élection des maires, à revenir à la raison, et il aurait peut-être aussi aidé un peu le ministère à rester de son propre avis ; il lui aurait épargné l’obligation de présenter une loi qui n’est ni définitive, ni provisoire, ni même parfaitement claire, que M. le ministre de l’intérieur a cru devoir appeler incomplète en la défendant, et qui ne tranche pas moins d’un trait sommaire un des plus graves problèmes de l’organisation publique de la France.

Au fond, si l’on voulait être sincère, on avouerait que la question municipale n’est rien ici, qu’elle a disparu à peu près devant un seul fait, — une considération de parti, la nécessité de donner un gage à l’impatience d’une majorité, à un vieux préjugé républicain, à un ressentiment contre la loi de 1874, à laquelle M. le duc de Broglie a prêté son nom, et qu’on a cru pouvoir représenter comme un instrument de candidature officielle. Voilà la vérité ! Que la loi de 1874 ait poussé la réaction à l’excès en laissant au gouvernement le droit de choisir les maires en dehors des conseils municipaux, et qu’on ait tenu à ne plus laisser subsister cette prérogative extrême, soit ; mais pourquoi se donner aussitôt cette mauvaise apparence de répondre à un acte de parti par un acte de parti ? pourquoi se hâter de remplacer une loi de circonstance qui limitait elle-même sa durée, qui était destinée à disparaître, par une autre loi de circonstance ? pourquoi enfin ne point attendre la loi d’organisation municipale ? C’était le procédé le plus simple si l’on voulait agir sérieusement, éviter toutes ces improvisations contradictoires, et le procédé était d’autant plus rationnel que par le fait le système de nomination des maires se lie intimement aux attributions qui leur sont accordées dans l’organisation municipale. Le ministère lui-même l’a bien senti, il ne s’est pas décidé du premier coup ; il a hésité avant de se rendre à cette transaction par laquelle le gouvernement garde son droit dans les chefs-lieux de département, d’arrondissement et de canton, en laissant à 33,000 municipalités françaises la liberté d’élire leurs maires ; mais il a été entraîné par la force de la situation politique, il s’est engagé avec la majorité républicaine, et, une fois engagé, il n’a plus reculé. Ce que la seconde chambre a voté d’accord avec lui, il l’a naturellement adopté, et il en a fait son œuvre propre devant le sénat. M. le ministre de l’intérieur est même allé un peu loin dans cette belle et solide discussion, où ton aurait pu croire que M. Bocher représentait le gouvernement, et que M. de Marcère, brillamment secouru par M. Jules Simon, parlait en leader de l’opposition.

La loi qui vient d’être votée est-elle un progrès, comme on le dit,