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c’est-à-dire un salaire moitié moindre. Ceci paraît encore conforme à la loi de Ricardo : si le coût de l’entretien de l’ouvrier diminue, le salaire baissera en proportion ; mais comment arriver à cette réduction du coût des frais d’entretien ? En rendant plus productif le travail qui crée les objets de consommation du travailleur. Comme les heures de travail se paient le même prix n’importe ce qu’elles produisent, si en une heure on fait deux fois plus d’objets, chaque objet coûtera moitié moins, et l’ouvrier aura moitié moins à dépenser pour vivre ; donc il pourra vendre sa force de travail pour une rémunération réduite de moitié. Tout ceci paraît irréfutable, et l’on arrive ainsi à cette singulière conclusion, que plus l’emploi des machines et des méthodes perfectionnées augmente la productivité du travail, plus le salaire diminue et plus le bénéfice du capitaliste augmente. Suivant Marx, le capital par lui-même ne crée pas de valeur. L’œuvre de la fabrication ne fait que reproduire la valeur consommée. Si pour faire 100 kilogrammes de coton filé il faut 115 kilogrammes, parce que 15 kilogrammes se perdent en déchets, les 100 kilogrammes fabriqués seront portés dans le prix de revient au même prix que les 115 kilogrammes bruts. S’il y a pour 5 francs d’usure des machines et 10 francs de combustible, ces sommes seront encore ajoutées, et le prix de vente sera tel qu’il les couvre complètement sans plus. « La machine ne produit pas de valeur ; elle transmet seulement la sienne aux objets qu’elle sert à fabriquer. » Le bénéfice viendra donc uniquement du travail, seule source de toute valeur. Si après une récolte mauvaise le prix du coton ou du blé augmente, quoique le travail employé à la culture soit resté le même, c’est parce que les frais de ce même travail divisés par un moindre nombre de kilogrammes, donnent pour chaque kilogramme une dépense de travail plus considérable. Moyennant 10 millions de journées de travail j’obtiens 1 million d’hectolitres de blé : chaque hectolitre vaudra l’équivalent de dix journées de travail ; si je ne récolte que la moitié, chaque hectolitre vaudra le double ou l’équivalent de vingt journées. En résumé, « toute plus-value (Mehrwerth), sous quelque forme qu’elle se cristallise, intérêt, rente, profit, n’est que la « matérialisation » d’une certaine durée de travail non payé. Le mystère du capital productif se résout en ce fait, qu’il dispose d’une certaine quantité de travail qu’il ne paie pas. » — « Par lui-même, le capital est inerte, c’est du travail mort qui ne peut se révivifier qu’en suçant, comme le vampire, du travail vivant, et qui vit et s’engraisse d’autant plus vigoureusement qu’il en absorbe davantage. »

D’après Marx, le régime capitaliste est d’origine récente. Il commence au XVIe siècle, quand les grands propriétaires envahissant peu à peu les domaines des petits cultivateurs, envoient