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inavouable entraînait le vieux docteur ; c’est Ramirez qui lui a proposé de prendre le nom et de revendiquer les droits de cette jeune fille. Elle attend le Mexicain à Marysville, tandis que, guidé par le plan du docteur, il va reconnaître le terrain de la concession sur lequel, par un hasard étrange, s’est s’établi Gabriel. Lorsque Ramirez revient lui rendre compte de tout ce qu’il a découvert et constaté : — Il faut aller tout de suite à San-Francisco avertir Dumphy et peut-être nous assurer le secours d’un homme de loi, dit la fine mouche ; partez sans retard ; tâchez de savoir ce qu’est devenue cette Grâce Conroy. Un mot encore. Le frère est-il marié ? ..

Le Mexicain est joué par son associée, plus forte que lui ; tandis qu’il s’éloigne enivré d’amour et se croyant sûr d’elle, Mme Julie Devarges fait à la hâte quelques préparatifs et part de son côté dans la direction de One Horse-Gulch. Il s’en faut de peu qu’elle n’atteigne jamais cette localité prospère. Des pluies diluviennes ont grossi et fait déborder la rivière qui rompt son barrage et rend la gorge inabordable. La diligence de Wingdam est emportée par le torrent, et Mme Devarges périrait avec les autres voyageurs, si Gabriel ne se trouvait là, toujours prêt à protéger l’innocence, la faiblesse et le malheur ! Il plonge dans les eaux bouillonnantes, il arrache à un trépas certain le serpent qui va se glisser à son foyer, y apporter le trouble et la honte. Mme Devarges ne se doute guère que la mine, objet de sa convoitise, se trouve en ce moment bien près de passer entre les mains d’une autre. La veuve Markle, désespérant de se faire épouser de bon gré, a imaginé d’employer la force, d’attirer par mille artifices de coquetterie Gabriel dans sa maison, puis de le poursuivre pour rupture de promesse, l’un des crimes que la loi américaine punit le plus sévèrement. Dans sa simplicité, Gabe ne sait pas se défendre, il est tout près de se sentir coupable, le camp est contre lui, car dans les mines, où leur sexe est fort rare, les femmes ne manquent pas d’amis tout prêts à les défendre. D’autre part Gabe ne veut pas céder aux menaces d’un homme de loi et redoute de donner une marâtre à Olly. Mieux vaut encore mettre fin à la poursuite en accordant des dommages : tout ce qu’il possède. Il donnerait la maison et le reste, si la sagace Olly n’y mettait bon ordre : — Pauvre vieux Gabe ! dit-elle, que deviendrais-tu sans moi ? Je voudrais le savoir ! — Et elle court à l’insu de son frère trouver l’homme de loi, Maxwell, lui explique au moyen d’une pantomime expressive les artifices de Mme Markle, ses œillades et ses grimaces pour attirer sur elle les regards timides du bon Gabe, affirme que ce dernier n’eût jamais néanmoins mis le pied chez « la maudite sorcière, » si, elle, sa petite sœur, ne l’y eût poussé, enfin elle égayé si bien la justice par ses gestes et par