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silence que le beau cloître de l’École des beaux-arts ? Une fontaine qui se tait ou ne parle qu’à voix basse, un vert gazon bordé de lierre, un portique où se développe dans sa glorieuse beauté l’admirable cavalcade du Parthénon, quel autre cadre mieux assorti pouvait-on souhaiter au nouveau monument ? Il est digne de ce qui l’entoure, digne des idées qu’il exprime, comme l’a dit avec émotion M. Waddington, digne de ceux qu’il doit honorer : « Élevé par les mains de jeunes artistes qui sont des maîtres, consacré à de jeunes artistes qui resteront pour nous un exemple, tout animé d’un souffle de jeunesse fier et pur, il ajoute une page nouvelle à l’histoire de l’École des beaux-arts, et, par les pensées qu’il fait naître, il inaugure dignement l’œuvre de la génération nouvelle. »

A quelques-uns cependant, il a semblé trop riche, trop éclatant, trop élégant, trop orné ; ils lui ont reproché d’être trop beau, d’avoir un air de fête ; il leur a paru que la polychromie pouvait convenir à la façade d’un opéra, qu’elle s’accordait mal avec la solennisation d’un grand deuil. Ils oublient que MM. Pascal et Coquart n’ont point voulu faire un tombeau, un mausolée, ni un cénotaphe, qu’ils ont entendu ériger un monument honorifique à une jeune gloire couronnée par une belle mort. La construction dont ils ont dressé le plan avec autant d’habileté que de bonheur représente une ædicule, un petit temple, dont l’architrave et le fronton de marbre sont portés par deux colonnes et dans lequel l’image du dieu est remplacée par le buste d’un soldat, à qui une statue de la Jeunesse, debout au pied du socle et le bras levé, présente le rameau divin. Les deux architectes ont pensé que rien ne pouvait être trop beau, que rien n’était trop riche pour célébrer cette grande espérance fauchée dans sa fleur.

Tu Marcollus eris ; manibus data lilia plenis,
Purpureos spargam flores.


Ainsi que le patriarche de Virgile, ils ont répandu à pleines mains les feuillages et les fleurs. Traitant le marbre blanc comme une draperie, ils l’ont semé de lotus d’or, symbole d’immortalité ; ils ont suspendu à l’entablement trois couronnes de chêne, ils ont fait ramper dans la cymaise les pavots du sommeil éternel. Au côté gauche du piédestal, une branche d’olivier, emblème des victoires pacifiques, accompagne une palette, des brosses, un appui-main. Sur le fronton, le mot Patrie resplendit au milieu des rayons d’une aurore, et une flamme surmonte l’antéfixe du couronnement. Deux chouettes, perchées aux deux angles de ce fronton, mêlent seules une note lugubre à cette musique presque triomphale ; elles évoquent l’image de la nuit, elles nous rappellent que nous ne reverrons plus ceux que nous fêtons. Dans cette décoration, rien