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organisation charitable, à l’occasion d’une mesure, très critiquable au reste, qui avait été prise à Naples en 1809 par l’administration française et qui avait enlevé aux établissemens religieux leur autonomie en les réunissant sous la direction d’une commission unique : « Cette loi dont le caractère est bien français, appliquée à nos institutions de bienfaisance, était aussi imprévoyante qu’injuste. En France, où les œuvres de charité sont presque toutes d’institution gouvernementale, ces œuvres peuvent avoir une direction commune et uniforme ; mais chez nous, à l’honneur des Napolitains, elles sont presque toutes filles de la foi et de la piété des particuliers ; les concentrer et les faire dépendre d’une seule administration, c’était les condamner à une dissolution certaine. » Il suffirait à la duchesse Ravaschieri d’une courte visite en France, ou même de la simple lecture de l’ouvrage de M. Lecour sur la Charité à Paris, dont il a été rendu compte ici même[1], pour se convaincre que si la charité administrative possède dans notre pays une organisation puissante et prévoyante dont les résultats ne sont point à dédaigner, l’initiative et la persévérance sont loin cependant de faire défaut à la charité privée. Il n’est donc point équitable d’opposer à ce point de vue la charité napolitaine à la charité française, et l’on ferait un travail plus utile en recherchant.les emprunts que les deux pays pourraient se faire l’un à l’autre.

Le cadre de cette notice est trop étroit pour contenir cette étude comparative, dont le livre de la duchesse Ravaschieri ne nous fournirait d’ailleurs pas tous les élémens. Ce premier volume ne contient encore que l’histoire et la description de trois établissemens qui comptent, il est vrai, parmi les principaux de Naples : Saint-Éloi, la Santa Casa dell’ Annunziata et Sainte-Marie du Peuple. On pourrait au premier abord être tenté de s’étonner que l’auteur procède ainsi par monographies, au lieu de suivre un plan rationnel dont les divisions seraient tirées de la nature même et de la destination des divers établissemens ; mais c’est une des différences les plus notables entre l’organisation administrative des deux pays, que les nombreux établissemens charitables de Naples n’affectent point chacun ce caractère spécial et déterminé qu’on chercherait à leur donner en France. Ces établissemens ne sont point consacrés tel aux malades, tel aux enfans, tel aux incurables ; le plus souvent, au contraire, ils recueillent et soulagent sous le même toit les infortunes les plus diverses. C’est ainsi par exemple que l’établissement de Saint-Éloi comprend à la fois un hôpital, une maison d’éducation pour les enfans et une sorte d’asile préservateur pour les femmes qui désirent se soustraire aux tentations de la vie, en se consacrant à la charité. Cette confusion ne présente-t-elle pas, au point de vue

  1. Voyez la Revue du 1er juillet.