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ministère du duc de Luynes, pour ménager la réconciliation de la reine-mère avec Louis XIII, M. de Bérulle est envoyé en mission à Rome pour lever les difficultés opposées au mariage d’Henriette de France avec le prince de Galles. Responsable en quelque sorte de cette union, il est appelé auprès de la jeune princesse, quand l’avènement au trône de Charles Ier la rend reine d’Angleterre. Il fut le témoin et le confident des amères désillusions de la sœur de Louis XIII, froissée dans sa foi, malgré les promesses solennelles qui lui avaient été faites, et exposée aux inimitiés comme aux insolences de Buckingham. Il n’y a rien de plus attachant que le récit, inconnu jusqu’ici, des souffrances intimes de cette jeune reine de seize ans aux prises avec la toute-puissance du favori. C’est la cause de la foi catholique comme celle de la tolérance religieuse que M. de Bérulle représente auprès de Charles Ier ; il voudrait étendre aux catholiques anglais les garanties qu’il réclame pour la reine, et il fait preuve dans cette lutte contre le premier ministre d’une fermeté qui n’est égalée que par sa modération. Quand il se reconnaît hors d’état de la prolonger il se retire ; mais il a mis en plein jour la politique anglaise, qui ne garde plus aucun ménagement pour la cour de France, il a pressenti qu’elle ne s’en tiendra pas seulement aux outrages, il ne cesse de signaler les encouragemens qu’elle donne aux menées séditieuses du parti protestant en France.

Le soulèvement de La Rochelle donne raison à ses prévisions ; le cardinal de Bérulle ne négligea aucune précaution pour s’en rendre maître. M. l’abbé Houssaye nous fait connaître les négociations qu’il suivit avec l’Espagne pour assurer par un traité l’assistance de la flotte de Philippe IV, et ses efforts persévérans pour triompher de la duplicité de la diplomatie espagnole, sur laquelle ses croyances religieuses ne lui laissent aucune illusion. L’éloignement du roi et du cardinal de Richelieu pendant les longs mois du siège, en donnant la régence à la reine-mère, dont M. de Bérulle était le principal conseiller, lui fait prendre une large part à la direction du gouvernement. Sa correspondance avec Richelieu nous le montre aux prises avec toutes les difficultés des affaires d’état, auxquelles il fait face avec une aisance qui n’est jamais déconcertée. Plein d’une confiance inspirée par une force intérieure et surhumaine, il donne à Richelieu des encouragemens qui ne sont pas ceux d’un visionnaire : il attend de la prise de La Rochelle non-seulement le triomphe de l’unité française, mais encore l’abattement de l’hérésie, et, lorsque Richelieu semble lui-même un moment prêt à reculer devant les difficultés de l’entreprise, c’est M. de Bérulle qui, par ses énergiques conseils, raffermit les hésitations du cardinal.

Les services politiques et religieux de M. de Bérulle lui valurent la pourpre romaine. Il avait suivi à Rome à plusieurs reprises les plus importantes négociations ; le pape Urbain VIII, qui avait pu apprécier