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New-York. Malheureusement il restait au concussionnaire assez de millions pour corrompre ses gardiens, et il a réussi à s’évader de la prison. Poursuivant sa tâche, M. Tilden s’est empressé de réduire le personnel et les dépenses de l’administration, il a ramené le budget de l’état à ses anciennes proportions, et, conformément à ce qu’il avait annoncé, il a pu diminuer les taxes publiques.

Cette lutte de trois années, avec ses péripéties et avec les incidens romanesques qui l’avaient marquée, avait appelé l’attention universelle sur M. Tilden : elle avait familiarisé tous les Américains avec son nom. On ne pouvait se dispenser d’établir un contraste entre l’administration fédérale, où chaque jour était marqué par un scandale, et l’administration de New-York, où chaque jour amenait une réforme. Qui pouvait détruire les abus, faire justice des concussionnaires, ramener la probité et l’économie dans les services publics, mieux que l’homme qui avait donné des preuves si éclatantes de sa droiture et de son énergie ? Le mot de réforme était dans toutes les bouches, et il semblait que ce mot fût inséparable du nom de Tilden. En cet état de choses, on devait croire que tous les suffrages se porteraient sur le gouverneur de New-York ; mais dans sa tâche de réformateur il avait heurté des intérêts, froissé des amours-propres qui se retournaient contre lui. Une intrigue s’ourdit à New-York même pour faire échouer sa candidature, à l’aide du règlement des conventions démocratiques, qui exige une majorité des deux tiers. On vit avec surprise à Saint-Louis des délégués de New-York insinuer que M. Tilden n’était pas assuré de la majorité dans son état, parce que son nom y produirait un schisme parmi les démocrates, tandis que le parti se réunirait tout entier autour d’un candidat étranger. On ajoutait que la candidature de M. Tilden froisserait les démocrates de l’Ohio, qui imputaient à l’influence et aux démarches du gouverneur de New-York, adversaire déclaré du papier-monnaie, l’échec essuyé par M. Allen en octobre 1875 : mieux valait prendre un candidat moins absolu dans ses idées, et qui pût se concilier les inflationistes de l’ouest. M. Hendricks était indiqué comme pouvant remplir ce rôle à merveille. Cette intrigue échoua piteusement : au premier tour de scrutin, M. Tilden eut 403 voix, M. Hendricks en eut seulement 133 et le général Hancock 75 ; dès le second tour, M. Tilden eut beaucoup plus que le nombre de voix nécessaire. Par une inspiration habile, ses partisans prirent l’initiative de proposer pour la vice-présidence M. Hendricks, dont le nom fut l’objet d’une acclamation si unanime et si flatteuse qu’un refus devint impossible. M. Hendricks se trouva ainsi obligé de courir la même fortune que M. Tilden, dont il était le concurrent. La liste démocratique est l’exacte