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comme symbole du maillet dont le dieu Thor s’était servi jadis dans sa lutte contre les géans. Sweyn saisit cette hache et la déposa sur les genoux de la princesse en prononçant à haute voix ces paroles : « Sur ce marteau sacré, moi, Sweyn, roi de Danemark, je te prends, toi, Gunnhilda, fille de Burislaf, pour épouse légitime. » Avec ces paroles prenaient fin toutes les cérémonies du mariage, dont la consommation charnelle n’avait jamais lieu au logis de la fiancée, mais à celui du fiancé, où l’épouse était conduite à cheval le lendemain par son seigneur, impatient d’entrer en possession. Après cette cavalcade, qui s’appelait la chevauchée de la fiancée et qui était comme une réminiscence des temps primitifs, où les mariages prenaient la forme de rapts et de conquêtes, les époux étaient dits encouchés ou, pour parler d’une façon moins barbare, unis à un seul lit. Le roi étant captif, c’était sa prison, Jomsburg, qui était désignée pour être le théâtre de cette consommation du mariage ; mais avant d’y retourner, il lui fallut subir une humiliation plus inoubliable encore que toutes les précédentes. Dans sa hâte d’en finir avec ce mariage forcé, Sweyn n’avait pas remarqué qu’il y avait dans la salle deux fiancées voilées et vêtues de blanc, et, comme Sigvald ne lui avait pas jusqu’alors soufflé mot de ses projets, son étonnement, en le voyant s’avancer vers Astrida, n’eut d’égal que son courroux, lorsqu’il comprit que son mariage avait été la condition même de celui de Sigvald, qui pour comble de mépris avait choisi pour lui la plus belle des deux sœurs et lui avait laissé la moins désirable.

Une fois remis en liberté et rentré dans ses états, Sweyn ne songea plus qu’à se venger de cette perfidie, et quelques mois après son retour en Danemark, les vikings virent arriver à Jomsburg, par un jour de tempête, un Islandais porteur d’un message de sa part. Cet Islandais se nommait Havard et, pour son esprit ingénieux et mordant, avait été surnommé « langue de couleuvre. » Prenons occasion de cette arrivée pour résumer ce que nos auteurs nous apprennent des Islandais de cette époque. Ils ne jouent dans le récit de M. Dasent qu’un rôle fort indirect et ne sont mêlés à l’action générale que d’une façon épisodique ; mais leur importance dans l’histoire du Nord a été telle, que l’ingénieux auteur ne pouvait se dispenser de les présenter au second plan de son tableau dans leurs types les plus caractéristiques. Ces types divers peuvent se réduire à deux principaux. Le premier représente la barbarie dans son expression la plus franche et la plus primitive, avant l’aurore de toute notion morale et de toute conscience, c’est-à-dire l’animal fort et qui sent sa force, dont le bras peut tuer et se lève instinctivement pour tuer, entrant en défiance devant toute approche humaine, grognant devant le silence, hurlant aux premières paroles, s’élançant comme