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christianisme dans le Nord d’y avoir pour promoteurs principaux deux hommes exceptionnellement robustes. Ce qui est certain, c’est que ce fut à cette circonstance qu’Olaf dut les méthodes énergiques et expéditives avec lesquelles il poursuivit l’œuvre commencée par Hakon le Bon et interrompue par Hakon-Jarl. Un mélange de colère méprisante et d’ironique bonne humeur est le caractère de la guerre qu’il fit au vieux paganisme, qu’il s’appliqua en toute occasion à dépopulariser par le ridicule, et cette tactique fut aussi celle de son homonyme saint Olaf ; l’un et l’autre poussèrent le paganisme hors de Norvège à coups de pieds, pour ainsi dire. Il enfonça les portes de quelques temples et brisa quelques idoles ; mais d’ordinaire il préférait à la violence la facétie, qui pouvait égayer son naïf public sur le compte des païens obstinés. Un jour, une députation de ces derniers vint le trouver pour l’engager à renoncer à son entreprise ; le roi les invite à donner leurs raisons, et voilà qu’ayant ouvert leurs bouches, elles restent béantes sans pouvoir se refermer et sans qu’une parole articulée en puisse sortir. Devant cet amusant prodige opéré probablement par la fascination de ses regards ou la timidité inspirée par sa personne, le roi se hâte de crier au miracle et prouve à ces païens ensorcelés que ce qu’ils ont de mieux à faire est de recevoir le baptême. Une autre fois, invité par ses jarls récalcitrans à prendre part à une grande solennité religieuse, le roi se rend sous forte escorte au temple où devaient s’accomplir les cérémonies, fait saisir onze des principaux personnages présens, et leur déclare que, puisqu’il faut qu’il redevienne païen, il ne le redeviendra pas à demi, et qu’ayant à offrir un sacrifice, il veut l’offrir sous sa forme la plus haute, c’est-à-dire celle des sacrifices humains, et cela non sur des personnes d’esclaves et de malfaiteurs, mais sur les hommes les plus considérables du pays, victimes plus dignes des dieux. Sur quoi les onze victimes désignées, au risque de déplaire aux dieux, s’empressèrent de plaire au roi en recevant le baptême et en donnant des otages comme garanties de la sincérité de leur conversion. C’est une chose curieuse et qui vaut d’être notée que le tour d’esprit rustique et plébéien de presque tous ces vieux rois du Nord, et particulièrement des meilleurs. Comme son homonyme, le roi saint Olaf aimait les facéties, et les facéties archi-populaires encore, celles dont le livre de l’Eulenspiegel a fourni plus tard le plus parfait modèle. En voici une qu’on peut présenter comme le type du genre. Parmi les confidens de saint Olaf se trouvait un Islandais du nom de Thorarin, homme de bon conseil, mais extrêmement laid. Ce Thorarin, qui couchait dans la chambre royale, dormait un matin un pied hors du lit. « Voilà bien, dit saint Olaf en s’éveillant, le pied le plus laid qu’on