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éclate comme un coup de foudre qui semble livrer l’Italie centrale à l’alternative d’une soumission découragée ou des déchaînemens mille fois plus périlleux d’une résistance révolutionnaire. Une hésitation, un faux mouvement, un désordre peuvent tout perdre et engager les événemens d’une manière irréparable.

Que faut-il pour changer la face des choses ? Il suffit de quelques hommes assez résolus pour ne point s’abandonner, assez fermes pour tout contenir, assez habiles pour saisir par une inspiration soudaine ce qu’ils peuvent trouver encore de ressources dans une situation si nouvelle. Au premier moment sans doute, le cabinet de Turin, ne fût-ce que pour rester en règle avec la diplomatie, ne peut éviter de dégager le Piémont des affaires de l’Italie centrale et d’abdiquer un protectorat ostensible en rappelant ses représentans, Farini qui est à Modène, Boncompagni qui est à Florence, Massimo d’Azeglio qui est à Bologne ; mais aussitôt le lien officiellement rompu se renoue moralement par le choix de ceux qui prennent le pouvoir. Farini ne cesse d’être le commissaire du roi Victor-Emmanuel que pour devenir le dictateur de Modène et de Parme. A Florence, à la place de M. Boncompagni, le baron Bicasoli devient gouverneur de la Toscane. A Bologne, le chef du nouveau gouvernement est un homme peu connu jusque-là, le colonel Leonetto Cipriani, habilement choisi pour ses relations intimes avec les Napoléon. A peine y a-t-il une transition d’apparence, et tous ces chefs, ces dictateurs improvisés, ne perdent pas une heure à s’entendre pour préparer l’évolution qu’ils méditent, pour tenter d’obtenir par la paix plus peut-être qu’ils n’auraient conquis par la guerre. Avant que le mois d’août soit écoulé, des assemblées sont réunies pour régulariser l’interrègne. Entre ces états abandonnés à leur propre sort, une ligue militaire se forme pour la défense commune. De Bologne, de Parme, surtout de Florence partent en même temps des envoyés, le comte Linati, le marquis Lajatico, Bianchi, Ubaldino Peruzzi, Matteucci, qui vont à Turin, à Paris, à Londres plaider la cause nationale. En un mot, pendant que la diplomatie, qui se croit omnipotente, en est encore à ses combinaisons plus ou moins spécieuses, l’Italie centrale s’organise, se met en mouvement et marche à son but invariable.

Ce but, il est indiqué par les événemens, par la nature même de cette situation extraordinaire. Puisque l’Autriche à peine diminuée d’une province reste avec la puissance débordante de l’empire sur le Mincio et sur le Pô, il n’y a plus d’autre ressource que de rassembler le plus de forces italiennes qu’on pourra, de créer ce qu’on appelle le « royaume fort, » de s’attacher coûte que coûte au Piémont. La pensée de a l’annexion » domine tout, et par une