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duchés. Elle se serait prêtée peut-être à quelques-unes des combinaisons proposées par la France pour une confédération dont Venise aurait fait partie ; avant tout elle demandait l’exécution des traités, elle s’attachait fiévreusement à ces restaurations dont on l’avait flattée, et elle ne cessait de rappeler à la France, comme au Piémont, que, si on ne lui donnait pas les restaurations, elle serait déliée d’un autre côté, même en Lombardie, des engagemens de la paix. A vrai dire, elle était dans son droit, elle avait pour elle la légalité diplomatique de Villafranca, de Zurich ; mais l’Autriche, moralement diminuée par la défaite, plus que jamais suspecte aux Italiens, à peu près abandonnée par ses alliés européens et assaillie par surcroît d’embarras intérieurs dans l’empire, l’Autriche était, en définitive, impuissante. Elle ne pouvait que se démener inutilement, avec une impatience mêlée d’amertume, devant ces révolutions de l’Italie centrale où elle n’avait plus la liberté d’intervenir par une pression de la force : elle ne pouvait pas passer le Pô. Elle n’avait plus d’autre ressource que d’opposer à chaque acte qui s’accomplissait une série de vaines protestations dont on se jouait à Florence, et d’en appeler à l’Europe qui se taisait ou qui encourageait l’Italie. L’Autriche avait assez de se défendre dans cette situation, plus menacée que menaçante, d’une puissance réduite à une retraite désespérée, à peu près délaissée par tout le monde. La Russie l’abandonnait à son isolement. La Prusse, contre laquelle le cabinet de Vienne était plein de ressentiment, qu’il accusait de trahison, la Prusse commençait à réfléchir sur l’exemple des Italiens et ne sortait pas d’une certaine réserve. L’Angleterre allait bien plus loin. Par une évolution aussi étrange qu’inattendue, après avoir été l’alliée de l’Autriche jusqu’à la veille de la guerre, après avoir défendu jusqu’au bout les traités de. 1815, l’Angleterre n’attendait que le lendemain de Villafranca pour passer tout à coup au camp italien ; elle prodiguait désormais à ses nouveaux cliens les sympathies et les encouragemens.

La politique anglaise n’était plus à ce moment aux mains des tories, de lord Derby et de lord Malmesbury, elle venait de passer aux mains des whigs, de lord Palmerston, de lord John Russell, et l’Angleterre des whigs se montrait aussi chaleureuse pour l’indépendance italienne qu’elle avait été tiède jusque-là. Elle était peu favorable à une fédération qui offrait à ses intérêts commerciaux moins de garanties qu’une simple extension du Piémont, le pays de la liberté économique. Elle n’avait naturellement rien à dire a des combinaisons qui démembreraient le pouvoir temporel du pape. Elle était la première à défendre contre l’Autriche la liberté des Italiens du centre, le droit qu’ils avaient de disposer d’eux-mêmes, de