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ne pouvait que leur promettre de défendre leurs droits, de patronner leurs vœux, sans oser ou sans pouvoir encore accepter d’être leur souverain. Le Piémont enfin se trouvait dans cette condition singulière d’un pays réduit à reculer devant ce qu’il désire le plus et à paraître repousser ceux qui s’offrent à lui.

Le problème pour les Italiens du centre était de passer à travers toutes ces difficultés de la situation la plus compliquée, ayant tout à la fois affaire au Piémont, à la France, à l’Angleterre, à l’Europe. Ils avaient compris qu’en maintenant l’ordre, en accomplissant une révolution nationale de la façon la moins révolutionnaire possible, ils auraient raison de tout, et que l’essentiel pour eux était de durer, de marcher. A l’acte de Villafranca, ils avaient répondu par les assemblées qui avaient proclamé la déchéance des anciens princes et proclamé le principe de l’annexion. Au traité de Zurich, ils avaient répondu par le vote de la régence du prince de Carignan, que la diplomatie atténuait et qui ne restait pas moins un pas décisif de plus. Aux hostilités et aux défiances, ils répondaient chaque jour par le calme, par l’opiniâtreté de leurs vœux. C’était le miracle de la politique des Ricasoli, des Farini. Maintenant les complications arrivaient à un point où il fallait en finir, où une solution devenait nécessaire pour tout le monde. Les provinces de l’Italie centrale avaient tenu six mois sans se laisser ébranler, sans se démentir un seul jour, elles avaient assez d’un périlleux provisoire. Le Piémont ne pouvait aller plus loin avec un ministère dictatorial, — celui du lendemain de Villafranca, — qui ne semblait plus de force à dominer les embarras du moment et qui commençait à devenir impopulaire pour ses indécisions aussi bien que pour ses lois d’assimilation de la Lombardie. L’Europe elle-même touchait à un congrès qu’elle redoutait en paraissant l’appeler, et où allait vraisemblablement éclater l’impuissance des gouvernemens dans la confusion universelle.

De toute façon, les circonstances pressaient, lorsqu’un double coup de théâtre venait changer brusquement la face des choses et décider la situation. A Paris, l’empereur Napoléon III sortait du nuage de ses négociations avec l’Angleterre pour en finir à sa manière. Par une lettre du 31 décembre 1859 ; il proposait au pape Pie IX une combinaison qui plaçait les légations sous le vicariat du roi Victor-Emmanuel et qui avait certes peu de chances d’obtenir la sanction du chef de l’église. Par une brochure, — le Pape et le Congrès, — aussi retentissante que celle de l’hiver de 1859 et destinée au même succès, il achevait de rendre le congrès impossible. Par le remplacement du comte Walewski au ministère des affaires étrangères, il signait l’acte de décès de la politique de Villafranca, de la diplomatie hostile à l’Italie, et c’était un homme jeune encore, aussi habile que résolu, M. Thouvenel, qui revenait de son