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« Agissez vite, faites un gouvernement libéral, résolu à résister soit aux pressions diplomatiques, soit aux assauts armés… Si la Toscane maintient l’esprit national, elle peut sauver tout… »

Après avoir maudit la paix de Villafranca, il en parlait avec une exaltation qui aurait pu passer pour de l’ironie, tant le commentaire démentait la pensée première de l’œuvre, et il n’allait pas tarder à écrire au prince Napoléon : « Les conséquences de la paix de Villafranca se sont développées admirablement. La campagne militaire et politique qui a suivi ce traité a été plus avantageuse à l’Italie que la campagne militaire qui l’a précédé. Elle crée pour l’empereur Napoléon III des titres à la reconnaissance des Italiens plus grands que les batailles de Magenta et de Solferino. Que de fois dans la solitude de Leri ne me suis-je pas écrié : Bénie soit la paix de Villafranca ! » Plus ces conséquences, si peu prévues par l’auteur du traité, se développaient, plus Cavour se passionnait et se préoccupait de les assurer. De jour en jour, il se mêlait plus vivement à l’action ; par tous les côtés, il rentrait dans les affaires, même dans les affaires officielles, et naturellement une heure venait où il ne fallait qu’une occasion pour refaire de lui le ministre nécessaire d’une situation nouvelle.

Tout le ramenait au pouvoir, deux choses lui en facilitaient l’accès. Il est bien certain que, dans le premier moment, la paix, telle qu’elle venait d’être conclue, avait créé entre l’empereur et le comte de Cavour des rapports difficiles. Napoléon III n’avait pas ignoré les éclats de la colère du ministre piémontais, il avait cherché à les adoucir ; au fond, il n’avait aucune amertume contre celui qui avait été son confident à Plombières, et si l’ancienne intimité avait subi une épreuve, elle n’avait disparu qu’à demi. Cavour était assez habile pour ne pas se brouiller avec l’empereur, qui de son côté retrouvait promptement son goût pour ce génie facile et plein de ressources. Napoléon III songeait si peu à l’exclure du pouvoir qu’il n’avait pas hésité, au moment où le congrès devait se réunir, à le demander au roi Victor-Emmanuel comme plénipotentiaire. Cavour avait accepté, et il écrivait avec sa bonne humeur habituelle à un ami : « Si vous faites cet hiver une course à Paris, vous me trouverez à l’hôtel de Bristol. J’ai pris l’appartement qu’occupait le comte Buol en 1856, toujours pour envahir le territoire autrichien… » La disparition du comte Walewski, les dispositions personnelles de l’empereur tranchaient la difficulté pour Cavour à Paris, et à Turin même tout se réunissait pour le rappeler au gouvernement.

Le ministère qui existait depuis six mois, qui avait certes fait œuvre de dévoûment en acceptant la mission de conduire la politique piémontaise dans une crise de transition ingrate, ce ministère