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On voit quel était dès cette époque le mouvement des esprits ; les hommes les plus compétens étaient acquis à la pensée d’un large enseignement agricole. Dans les plans que nous venons d’énumérer, on retrouve les principes et les traits essentiels de l’organisation qui fut depuis adoptée. La question était non-seulement posée, mais résolue déjà et mûre pour la pratique. Cependant on ne fit rien. L’assemblée nationale, sur la proposition de Rozier, avait voté la fondation d’une école nationale et gratuite : la loi ne reçut jamais d’exécution. La convention, qui a doté l’industrie de ses grandes écoles, ne sut point en doter de même l’agriculture. Sous l’empire, la question rentra dans l’ombre. Ce ne fut que sous la restauration qu’elle reparut. La fin du siècle dernier avait été la période des théories ; la restauration vit naître les premières applications.

C’est à Mathieu de Dombasle que revient l’honneur d’avoir ouvert la route et donné l’exemple. Traducteur des œuvres du Prussien Thaër et de l’Anglais sir John Sinclair, agriculteur lui-même et savant exercé, touché de la nécessité d’instruire en leur art les populations rurales, Mathieu de Dombasle affermait vers 1818, à quelques lieues de Nancy, une ferme de 102 hectares, pour vingt années. Il avait réuni à grand’peine, par une souscription publique, une somme de 45,000 francs. Telle fut l’origine de l’institut de Roville, le premier établissement d’instruction agronomique que la France ait possédé. L’existence en fut courte et toujours précaire : des difficultés de toute sorte assaillirent Mathieu de Dombasle. C’est dans les neuf volumes des Annales de Roville qu’il faut chercher l’histoire de ces embarras, de ces mécomptes. L’école de Roville était livrée à ses seules ressources : le gouvernement de la restauration avait refusé tout concours d’argent. Le gouvernement de juillet fut plus généreux : il alloua une subvention qui s’éleva jusqu’à 3,000 francs ! En 1842, cette école, qui eût mérité de durer comme Grignon, disparut peu avant son courageux fondateur ; mais son œuvre lui a survécu : Mathieu de Dombasle avait contribué plus que tout autre à faire triompher la révolution agronomique qui a remplacé l’antique mode d’assolement triennal par la culture alterne ; il avait formé des élèves et suscité des émules. D’autres entreprises analogues ne tardèrent pas à s’élever : nous ne parlons pas de l’institut de Coetbo, en Bretagne, qui ne fut fondé qu’en 1833 et réussit moins encore que Roville ; mais auparavant, trois hommes avaient créé, sur trois points différens du territoire, les établissemens qui bientôt servirent et jusqu’à nos jours sont demeurés nos trois écoles régionales : Grand-Jouan, dans les landes de la Loire-Inférieure, créé par M. Rieffel, élève de Mathieu de Dombasle, La Saulsaie, dans l’Ain, au milieu des marécages de la Dombes, par