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de quoi faire vivre l’enseignement lui-même. Les adversaires s’emparèrent avidement de ces faits, l’esprit de légèreté et d’ignorance s’y exerça. La presse et la tribune de l’assemblée législative retentirent de critiques et de railleries souvent puériles : un jour, c’était un député qui venait très sérieusement dénoncer à la chambre certaines vaches d’Écosse demi-sauvages et, disait-on, sujettes à dévorer leurs bergers ; une autre fois il s’agissait de ce baudet que l’institut avait fait venir du Poitou comme un spécimen de l’industrie mulassière en cette région ; le baudet avait coûté une vingtaine de mille francs, ce qui n’était pas un prix exorbitant pour des individus de choix destinés à la reproduction ; mais le public, qui n’en savait rien, ne pouvait croire, en voyant l’animal, qu’une telle dépense fût justifiée. Le plus grave, en tout cela, était que cette hostilité et ces accusations s’adressaient non-seulement aux erreurs commises et à l’exploitation, cause des mécomptes, mais au principe même de l’institut. On était déjà loin du mouvement d’où était sortie la loi de 1848 : la réaction, qui éclatait de toutes parts, triomphait là comme ailleurs.

Après le coup d’état, les nouveaux maîtres de la France s’inquiétaient assez peu des intérêts de l’enseignement supérieur agricole, et peut-être ils s’en défiaient : cet institut ne renfermait-il pas un groupe d’hommes sinon hostiles, à tout le moins fort étrangers par leur passé, leurs idées et leurs préférences, au système que l’on restaurait, des hommes tels que le comte de Gasparin, le directeur de l’institut, et l’éminent professeur de législation et d’économie rurale, M. Léonce de Lavergne ? Est-il vrai qu’à ces causes il faille joindre certaines rivalités et des menées du personnel de Grignon ? ou simplement se borna-t-on, de ce côté, à une satisfaction des plus vives quand l’institut rival et voisin fut frappé ? Quoi qu’il en soit, un fait est certain : l’institut, par son domaine, eut le malheur de gêner les chasses du prince-président ; on le sacrifia. Dès le 17 avril 1852, un sénatus-consulte, celui qui allouait au prince 12 millions par an et lui livrait les palais nationaux, lui réservait aussi le droit exclusif de chasse dans les bois de Versailles. Le 7 juillet, un nouveau sénatus-consulte étendait ce droit à toutes les fermes et à tous les bois domaniaux compris dans le rayon de l’inspection forestière de cette ville. Des élèves de l’institut, qui allaient sur le domaine lever des plans, entendaient les coups de fusil et rencontraient le prince chassant avec ses ministres. Le 17 septembre, un décret contre-signé de M. de Persigny fermait et abolissait l’institut, et avec lui l’enseignement supérieur de l’agriculture. Les considérans de ce décret méritent d’être rappelés ; il est curieux de voir par quelles assertions tranchantes, par quels