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dans la suite. Aussi dès qu’on voulut bien consulter l’opinion, les vœux, les réclamations se firent entendre. L’enquête agricole constata le mouvement. La question fut enfin remise à l’étude. On avait conçu le projet d’établir à Grignon un enseignement supérieur, et un arrêté du 13 avril 1867 avait nommé à cet effet une commission présidée par M. Dumas ; mais la combinaison projetée ne tarda pas à être écartée : elle était peu pratique. Autant Grignon est appropriée à son rôle d’école secondaire, autant elle est peu faite pour devenir le siège d’un haut enseignement. La ferme annexée serait bien loin d’offrir les incomparables ressources que réunissait le domaine de Versailles ; elle n’en aurait guère que les inconvéniens : elle risquerait de dénaturer l’esprit d’un enseignement qui doit être scientifique et philosophique avant tout. L’emplacement même de Grignon, assez rapproché de Paris pour le succès d’une école régionale, en serait beaucoup trop éloigné pour une faculté dont les cours devraient être professés par des savans considérables, suivis par des externes et des auditeurs libres.

Que l’enseignement agricole ne puisse être rationnel et complet, disons davantage, ne puisse vivre d’une vie pleine et féconde sans un centre de haute instruction, fondement et couronnement de tout le système, c’est là une vérité évidente, et cependant les objections n’ont point manqué. C’est notamment dans le procès-verbal de la séance que la commission supérieure de l’enquête agricole consacra, le 18 mars 1869, à la question, qu’on peut les passer en revue. Les uns, tels que M. Du Mirai, soutenaient cette thèse : la science agronomique n’existe pas ; il n’y a que des sciences générales, physique, chimie, zoologie, etc., dont l’agriculture, il est vrai, emprunte le secours ; mais, pour être instruits de ces sciences diverses, quel besoin ont les agriculteurs d’un enseignement spécial ? — M. Dumas n’eut point de peine à démontrer que de ces sciences chacune ne touche à l’agriculture que par un certain nombre de points, et que ce sont précisément ces points qu’il s’agit pour l’agronome d’étudier, non les autres. M. Dumas, se plaçant sur son terrain, disait avec sa grande autorité : « A l’école centrale, on n’enseigne pas la mécanique de la Sorbonne, mais la mécanique de l’ingénieur ; on n’enseigne pas la chimie de la Sorbonne, mais la chimie du manufacturier ; on n’enseigne pas la physique de la Sorbonne, mais la physique de l’homme qui devra passer sa vie à produire de la chaleur et à s’en servir. Il en sera de même pour l’agriculture : dans un institut agronomique, on n’enseignera pas la chimie générale dans tout son développement, mais la chimie des plantes, la chimie des animaux, la chimie qui sert à expliquer tous les phénomènes, celle dont chaque jour on a besoin… »