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notre ciel et de nos champs. La prospérité qu’elle a atteinte, les produits qu’elle va sans cesse accroissant, ce n’est pas à la nature inclémente qu’elle les doit, c’est à la science et à l’enseignement. Voilà ce qui a transformé ces steppes sablonneuses. Et depuis plus d’un siècle, notez-le, l’état, en Prusse, est à l’œuvre. On ne s’est point attardé, comme ici, à des prédications stériles, aux vœux et aux projets, on s’est hâté de les mettre en pratique. De 1763 à 1788, Frédéric II, nous dit M. de Dampierre, dépensa une somme de 160 millions de francs pour la fondation d’écoles d’agriculture et la mise en valeur de terres incultes. Après Iéna, la Prusse, réduite à 7 millions d’habitans, fondait l’école de Mœglin avec Thaër pour directeur ; en 1848, au lendemain de sa guerre malheureuse contre le Danemark, elle créait un ministère spécial de l’agriculture et multipliait ses écoles. Et pareillement en Saxe, c’est après Sadowa que le gouvernement établissait la faculté d’agriculture de Leipzig, qui ne compte pas moins de vingt chaires et trois stations agronomiques annexées.

Il en a été de même dans les autres parties de l’Allemagne, en Bavière, en Wurtemberg, dahs le grand-duché de Bade, et aujourd’hui, outre 174 écoles de degrés divers : fermes-écoles, écoles moyennes pratiques, académies ou écoles régionales (dont une seule, celle de Proskau, possède un domaine de 1,000 hectares et 6,000 hectares de forêts), écoles spéciales d’horticulture, arboriculture, drainage, culture maraîchère, etc., l’empire renferme 10 facultés ou instituts supérieurs, à Berlin, Halle, Gœttingue, Kœnigsberg, Kehl, Munich, Leipzig, Heidelberg, Giessen et Iéna. Et nous ne parlons pas de l’initiative locale, qui se produit sous les formes les plus diverses, multipliant de tous côtés les comices, les stations, les cours nomades, en un mot, répandant la science par l’enseignement. Voilà le secret des progrès agricoles de l’Allemagne ; voilà comment, pour certaines cultures industrielles, elle nous menace déjà de sa rivalité. En 1850, elle ne produisait que 575 millions de kilogrammes de betteraves à sucre, alimentant 148 fabriques ; en 1873, 328 fabriques travaillaient plus de 3 milliards de kilogrammes ! Si dans un pays naturellement pauvre l’instruction a pu parvenir si vite à de si grands résultats, dans quelles proportions chez nous n’aurait-elle pas dû accroître notre richesse agricole ! Cet exemple de l’Allemagne, les autres nations l’ont suivi : l’Autriche n’est pas moins active : en 1872, elle a fondé à Vienne un institut agronomique ; elle en a 2 aujourd’hui, 9 écoles moyennes, 27 écoles simples, etc. La Hongrie n’a pas moins de 4 écoles supérieures ; elle vient de fonder une école de viticulture à Tarczal, dans le district de Tokaï ; elle entretient 8 jeunes gens dans les établissemens des