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d’exécution, on verrait, j’en suis convaincu, se réaliser des progrès considérables et diminuer cette affligeante mortalité. L’idée peut paraître hardie et choquera les décentralisateurs ; mais ce système est en tout cas plus logique que celui en vertu duquel, après avoir dérogé à ce vieux principe du droit coutumier qui fait de toutes les dépenses de bienfaisance une dépense municipale, on s’est arrêté à mi-chemin, et l’on a jeté brusquement ce fardeau sur les épaules du département, la personne la moins charitable, la plus absorbée dans les intérêts matériels qui fut et sera jamais au monde.

Cette innovation n’est rien cependant auprès de celle que la loi de 1869 a consacrée en inscrivant les secours temporaires au nombre des dépenses des enfans assistés, et en donnant par là une sanction implicite à la suppression des tours. Cette question si délicate se trouve donc, de par la loi, résolue en fait aujourd’hui ; mais il n’en est pas de même en théorie, et la discussion vient, tout récemment encore, d’être reprise à ce sujet, non sans vivacité et sans éclat, par M. le docteur Brochard, à qui ses travaux sur la mortalité des enfans assistés, inspirés par une courageuse franchise, ont valu le sort le plus divers : d’une part, des récompenses académiques et une couronne civique décernée par la Société d’encouragement au bien, et d’autre part, la perte de son emploi d’inspecteur des crèches à Lyon, une demande en radiation des registres de la Légion d’honneur, repoussée à l’unanimité par la chancellerie, et même des voies de fait de la part de M. l’inspecteur départemental du Rhône. Dans un livre intitulé la Vérité sur les enfans trouvés, livre qui a fait quelque bruit, M. le docteur Brochard a soulevé de nouveau la question, et il s’est prononcé avec beaucoup de vivacité contre la suppression des tours. Mais c’est surtout contre le système des secours temporaires que M. le docteur Brochard s’élève avec le plus d’ardeur. Il qualifie ce système de prime à la débauche, et cite bon nombre de circonstances où ces secours n’ont servi, suivant lui, qu’à favoriser l’inconduite de la mère, et sont devenus de la part des filles-mères un véritable objet de spéculation. On ne saurait nier en effet qu’il n’y ait au premier abord quelque chose d’un peu choquant dans le principe même de cette assistance. Quand on sait tout ce que dans un ménage régulier d’ouvriers ou de paysans la prévision de la naissance d’un nouvel enfant entretient de soucis, tout ce que l’achat de la plus modeste layette représente d’économies, tout ce que l’acquittement des mois de nourrice coûte de privations, on ne peut se défendre d’être un peu froissé à la pensée que, si cet enfant était un enfant naturel, il suffirait d’une déclaration dans un bureau et d’une enquête sommaire pour que la dépense de cet enfant incombât presque toute entière, pendant un temps plus ou moins long, à la charge du département. On