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vestibule de la maison. C’est là que l’enfant attend son immatriculation. Jusqu’à ce qu’elle soit accomplie, jusqu’à ce qu’on ait attaché à son cou le collier formé de dix-sept olives en os qui a remplacé l’ancienne boucle d’oreille et auquel est suspendue une petite plaque de métal où son numéro est gravé, ce numéro est inscrit en gros chiffres sur un carré de papier qui est fixé à ses langes avec une épingle. Ce frôle lien est, pendant une demi-journée, le seul qui rattache encore l’enfant abandonné à sa famille. Qu’un accident se produise et soit maladroitement réparé, que la substitution d’un petit carré de papier à un autre ait lieu par inadvertance, et l’enfant échangera peut-être le peu qu’il possède d’état civil contre celui d’un compagnon d’infortune plus ou moins déshérité que lui ; mais aucune négligence de cette nature n’est à craindre avec le personnel dévoué et vigilant de l’hospice des Enfans-Assistés. Je ne parle pas seulement des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, auxquelles est confiée la direction de tous les services de l’hospice et qui sont, là comme ailleurs, toujours égales à elles-mêmes ; je parle du personnel, des infirmières et filles de service laïques, qui est ici très supérieur à ce qu’il est dans les autres établissemens hospitaliers. Rien ne laisse à désirer dans les hôpitaux comme la race des infirmières, et en général de toutes celles et de tous ceux qui font dans un esprit mercenaire un service qui a besoin d’être fait dans un esprit de charité. S’il n’en est pas de même des filles de service à l’hospice des Enfans-Assistés, cela tient au soin particulier avec lequel est opéré leur recrutement. On les fait venir presque toutes directement de province, par l’intermédiaire des sœurs et de la supérieure, une de ces femmes de cœur et d’intelligence dont les ordres féminins fournissent si souvent à la charité publique l’indispensable concours. Ces braves filles acceptent avec bonne humeur de faire pour un salaire dérisoire un service plein de rebuts et même de dangers, dont elles se dégoûteraient bien vite, si elles n’étaient soutenues dans leur tâche par l’esprit de religion et de charité, en même temps qu’elles sont encouragées par l’affection maternelle des sœurs, chez lesquelles elles retrouvent presque toujours des payses. Il est vrai qu’on les maintient dans une ignorance factice des conditions de la vie parisienne en leur faisant mener une existence en quelque façon claustrale : elles ne sortent presque jamais et toujours accompagnées, ce qui les préserve en particulier des tentations qu’étale devant leurs yeux la Closerie des Lilas, dont les bosquets artificiels s’ouvrent à peu de distance de l’hospice des Enfans-Assistés. Le soin des enfans est leur unique pensée, et elles y apportent un dévoûment qui va jusqu’à l’imprudence. « J’ai dû, me disait le directeur, me mettre une fois en