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soin et un grand scrupule dans le choix des nourrices, qui doivent satisfaire à la fois à des conditions d’hygiène et à des conditions de moralité. Elles sont recrutées dans onze des quatorze départemens dont je viens de parler, qui sont divisés eux-mêmes en circonscriptions plus ou moins étendues. À la tête de chacune de ces circonscriptions est un sous-inspecteur départemental, par les soins duquel s’opère le recrutement des nourrices, et qui lui-même est assisté dans cette tâche par un médecin. Lorsque chacune des nourrices qui ont été envoyées à Paris par convois et sous la surveillance d’une meneuse revient avec un enfant, cet enfant doit être visité fréquemment par le sous-inspecteur, et des instructions récentes enjoignent même au médecin attaché au service de la circonscription de lui rendre visite, pendant qu’il est encore en bas âge, au moins une fois par mois. Grande est la difficulté de déshabituer ces femmes des pratiques absurdes qui sont parfois en usage dans la campagne à l’endroit des enfans nouveau-nés, et d’exercer sur elles une surveillance assez active pour qu’elles donnent à ces enfans, auxquels elles n’ont pas encore eu le temps de s’attacher, les soins nécessaires. Ajoutez à ces chances de mortalité celles que ces enfans apportent avec eux en naissant et qui résultent de la misère où ils ont été engendrés et des maladies constitutionnelles dont ils ont souvent recueilli l’héritage. Aussi, d’après l’enquête de 1860, la mortalité, sur la généralité des enfans assistés d’un jour à un an, s’élevait-elle dans toute la France à la proportion de 50,04 pour 100, et dans le département de la Seine à 49,84 pour 100. Depuis cette date, de sérieux efforts ont été faits pour abaisser cette mortalité. Quels résultats ont été obtenus dans l’ensemble de la France ? Les documens d’ensemble manquent pour l’apprécier ; mais pour les enfans du département de la Seine ces efforts n’ont point été infructueux. Leur mortalité, d’après un chiffre qui ne présente peut-être pas, il est vrai, un caractère de certitude absolue, serait descendue aujourd’hui aux environs de 30 pour 100.

Ce chiffre est encore élevé, et assurément on ne saurait faire trop d’efforts pour le diminuer. Est-il équitable cependant, ainsi que l’a fait M. Brochard, de chercher dans la comparaison avec les peuples étrangers la preuve de l’infériorité de la France et d’opposer à ce chiffre le chiffre de 18 pour 100, qui serait celui de la mortalité des enfans recueillis par la Maison-Impériale de Moscou ? C’est dans le compte-rendu publié par cette maison en 1871 que M. le docteur Brochard dit avoir relevé ce chiffre ; mais il a manifestement commis une erreur qui a consisté à ne considérer que la mortalité des enfans à l’intérieur de l’hospice de Moscou où leur séjour est de courte durée, en négligeant totalement leur mortalité à l’extérieur. Or cette mortalité s’est élevée en cette même année 1871 à 61,69