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l’autre un enfant de douze ans. Tous les deux ne sont plus aujourd’hui que les hôtes soumis du tsar. C’est toujours un honneur insigne d’être admis, ne fût-ce qu’au dernier rang, à de pareils banquets. Quant au festin, les Anglais « en ont souvent vu de meilleur. » La variété des boissons et des plats ne laisse pas toutefois de les étonner. « La table ne restait pas vide un instant. » Six chanteurs sont entrés pendant le repas dans la salle ; ils se tiennent debout, le visage tourné vers l’empereur. Avant la fin du dîner, ils avaient chanté trois fois : leurs voix et leurs chansons ont pu charmer les Russes ; elles n’ont pas plu aux oreilles britanniques. Les Anglais cependant observent tout ; ils ont intérêt à connaître les inclinations de leur nouveau maître. Le dîner dure cinq heures. L’empereur ne porte jamais un morceau à sa bouche sans se signer d’abord ; il en fait autant quand il boit. Ce souverain, se disent les Anglais, est « à sa façon très religieux. Il paraît estimer ses prêtres plus que ses gentilshommes. » Mais avant tout il montre le désir de tenir ses hôtes en joie, car, après les avoir abreuvés largement de sa propre main, il fait porter le soir à leur logis trois barils d’hydromel. Le 16 septembre, chaque Anglais reçoit, par ordre d’Ivan IV, un cheval tartare pour faire ses courses en ville ; nous l’avons déjà dit, un homme bien né ne sortirait pas à pied dans Moscou. Le 18, ce sont des pelisses fourrées, des pelisses de drap d’or et de velours à ramage qu’on apporte. Les unes sont garnies d’hermine blanche, les autres d’écureuil gris ; toutes ont des revers et des bordures de castor noir. Quant aux banquets impériaux, les Anglais ne passent pas un mois sans s’y asseoir. Le 14 septembre, ils ont été servis dans de la vaisselle d’or ; le 1er octobre, le repas semble plus intime ; on n’a mis au jour que la vaisselle d’argent. Dîner le 3 novembre, dîner le 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas, et chaque fois l’empereur a fait appeler ses convives dans la matinée pour les inviter de sa propre bouche. Jamais le puissant monarque ne manquerait à ce cérémonial : il croirait, s’il le négligeait, diminuer le prix de la faveur qu’il accorde. Puis viennent les libéralités en argent : 70 roubles à Standish, 30 roubles aux autres passagers du Primerose. Arrive le jour de la grande revue militaire, revue invariablement fixée au mois de décembre ; les Anglais prennent place dans le cortège de l’empereur.

L’artillerie que renferme l’arsenal de Moscou a été traînée sur la plaine qui s’étend en dehors des faubourgs. On peut voir là toutes les espèces de bouches à feu connues : des bases, — pièces de campagne de petit calibre, — des fauconneaux, des minions, des sacres, des coulevrines, canon double et canon royal, basilik long et grand basilik. Six grosses pièces recevront, quand on les chargera, un boulet dont le diamètre mesure plus d’un yard. L’œil peut