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LE PROCÈS DE GALILÉE

qu’il exerçait, partout autour de lui, que sur la force de ses argumens.

Il avait d’ailleurs préparé le terrain avec plus de précautions encore qu’en 1611, réchauffé par des lettres pressantes le zèle de ses amis, et obtenu pour la seconde fois toutes les marques extérieures de la protection officielle du grand-duc de Toscane. Comme il l’avait déjà fait, il descendit au palais de l’ambassadeur, à la villa de la Trinité-des-Monts, où se trouve aujourd’hui l’Académie de France, et le lendemain de son arrivée il se mit en campagne. Explications détaillées devant de nombreux auditeurs, argumentations vives et fortes par lesquelles il faisait toucher du doigt l’impuissance de ses contradicteurs, visites multipliées chez les plus grands personnages, petits écrits où il démontrait la vérité du système de Copernic, il m’épargna rien pour déterminer en sa faveur un de ces grands courans d’opinion auxquels les juges eux-mêmes ne peuvent résister.

Malheureusement pour Galilée le tribunal de l’inquisition ne subissait guère les influences extérieures ; il imposait des lois à l’opinion et n’en recevait point de conseils. Sans s’émouvoir des démarches de l’illustre astronome et de l’ardeur avec laquelle une partie de la société romaine épousait ses idées, les membres du saint-office poursuivaient silencieusement leur œuvre. En examinant les lettres sur les taches du soleil, ils y avaient découvert deux propositions condamnables ; le 24 février 1616, ils déclaraient à l’unanimité qu’on ne pouvait prétendre sans absurdité et sans hérésie que le soleil est immobile et que la terre tourne. Aussitôt le souverain pontife ordonna au cardinal Bellarmin de faire venir Galilée et de l’engager à ne plus soutenir une opinion condamnée par l’église. « S’il refuse d’obéir, disait la lettre pontificale, le père commissaire, en présence d’un notaire et de témoins, devra lui enjoindre de s’abstenir absolument d’enseigner cette doctrine et cette opinion, de la défendre ou même d’en parler ; s’il ne se soumet pas, il sera mis en prison. » En effet, le 26 février 1616, le cardinal Bellarmin, en présence du commissaire-général du saint-office et de deux témoins, invita Galilée à renoncer aux deux propositions condamnées. Après Bellarmin, le commissaire-général lui intima de nouveau, au nom du pape et de toute la congrégation du saint-office, l’ordre formel de ne plus soutenir, enseigner et défendre cette opinion, soit par écrit, soit de vive voix, ou de quelque manière que ce fût ; s’il y manquait, il serait poursuivi par le saint-office. Galilée promit d’obéir[1]. Le 5 mars suivant, la congrégation de l’Index condamnait jusqu’à correction l’ouvrage de Copernic.

  1. Dans un ouvrage intitulé Galileo Galilei und die römische Curie (Stuttgart 1876), M. de Gebler a contesté l’authenticité du document qui rapporte ces faits. M. Dominique Berti lui répond victorieusement.