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Avant tout, il est urgent de procéder au cadastre du globe, de mesurer les terres cultivables, de compter les forêts, de reconnaître les gisemens de bouille épars dans les cinq parties du monde.

Il est possible que, dans un avenir éloigné et incertain, l’industrie arrive à se passer du charbon ; mais en attendant cette révolution, que rien ne fait prévoir, nous vivons dans l’âge de la houille. La houille est pour nous une source de chaleur, de lumière, de force, de mouvement ; que deviendraient nos usines, nos chemins de fer, notre navigation, et jusqu’à l’éclairage de nos rues, si, par miracle, toutes les mines de houille se trouvaient vides tout à coup ? Toutes les conditions physiques de la vie de l’homme civilisé ne seraient-elles pas bouleversées ? En considérant la progression rapide que suit l’extraction du charbon dans les principaux pays du globe, on peut admettre qu’elle approche déjà de 300 millions de tonnes par an[1] ; si le tiers de cette quantité est consommé par les machines à vapeur, cela représente le travail de plus de 200 millions d’ouvriers qui seraient payés à raison de 5 francs par an. Voilà pourquoi les étoiles coûtent si peu aujourd’hui, comparées au blé, tandis que c’était l’inverse autrefois.

Aussi les gîtes carbonifères du globe sont-ils l’objet de la sollicitude des hommes que préoccupent les destinées de l’industrie. En Angleterre, où la houille représente l’élément principal de la prospérité nationale, l’opinion publique s’émut vivement, il y a treize ans, des sinistres prédictions de quelques géologues qui prétendaient que les mines du royaume-uni seraient épuisées dans un délai relativement court, peut-être avant un siècle. Les débats qui eurent lieu à ce sujet au sein du parlement aboutirent en 1866 à la nomination d’une commission royale d’enquête sur les richesses houillères de la Grande-Bretagne, dont le volumineux rapport, très instructif et très pratique, a été publié en 1871. En même temps que cette grande enquête, on avait entrepris une révision de la législation minière, et le 10 août 1872 le parlement votait la nouvelle loi qui, abrogeant toutes les dispositions antérieures, constitué désormais le code des mines de la Grande-Bretagne.

En France, ces graves préoccupations ne pouvaient pas rester sans écho. Dès 1866, M. Béhic, alors ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, confiait à un homme dont le nom a été rendu populaire par une importante invention industrielle, M. le comte de Ruolz-Montchal, inspecteur-général des chemins de fer, la mission d’étudier la question des houilles au point de vue français. Il s’agissait de savoir pourquoi nos mines étaient impuissantes

  1. Grande-Bretagne, 127 millions ; États-Unis, 46 millions ; Allemagne, 46 millions ; France, 17 millions ; Belgique, 15 millions ; Autriche, 11 millions ; les autres pays ensemble, 6 ou 7 millions de tonnes.