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que cette exposition internationale pour amener ce fils de Mahomet à tant de tolérance, Après tout, le Sinaï, Jérusalem, Médine, ne sont pas si éloignés l’un de l’autre. Saluons encore cette maison marocaine dont des Africains à la peau bronzée nous font les honneurs. L’intérieur est mystérieux, plein d’ombre et de fraîcheur ; des tapis moelleux éteignent le bruit de nos pas, c’est à peine si, par une étroite lucarne, entre un peu de lumière. Des carreaux de faïence embellissent les parois des pièces à l’intérieur ; un sofa dans le vestibule, une salle de bain au fond : on dirait que les habitans vont entrer. Un visiteur s’adresse en arabe au portier de céans, et celui-ci lui répond en espagnol ; serait-ce un Marocain de contrebande ?

Voici maintenant par terre un plan de Paris en relief jusqu’aux fortifications, dressé à une grande échelle avec les principaux monumens : Paris est décidément l’œil du monde ; puis un plan de Jérusalem dressé de même façon. Tout près de là une « fontaine de tempérance » pour les gens qui, dans ce pays adonné aux alcools, ont fait vœu de ne boire que de l’eau. Les délicats se plaignent qu’elle ne soit pas glacée. Voici encore « le pavillon des journaux, » où l’on lit gratuitement toutes les gazettes, « même celle de son pays, » puis un bureau télégraphique où l’on peut expédier une dépêche jusqu’aux confins du globe, et un autre bureau où le « touriste international » retient sa place pour la même destination.

Avez-vous des idées sombres ? Entrez dans cette façon de forteresse. Qu’est-ce que cela ? Des cercueils étalés ! Il y en a en bois de rose et d’ébène, lamés d’argent et de vermeil, capitonnés de satin à l’intérieur comme le lit d’une petite maîtresse. Voici un coussin pour la tête, un vêtement pour le défunt : la robe est de soie blanche pour madame, de soie noire pour monsieur, avec une cordelière élégante serrant la taille. Quoi ! dans ce pays démocratique, républicain, pas même d’égalité dans la mort, et tous ces parvenus rêvent des distinctions même à la porte de l’autre vie ! J’aime mieux cet exposant milanais, qui montre dans la section italienne son appareil de crémation perfectionné. Les gaz combustibles, amenés sur le cadavre par le système de Siemens, déjà employé dans la métallurgie, y consument le corps en quelques minutes, et de toute la dépouille humaine il ne reste plus qu’un peu de cendre.

Les promoteurs du centenaire avaient eu une idée heureuse, celle de faire camper dans le parc, autour des bâtimens de l’exposition, plusieurs centaines d’Indiens. Les sauvages auraient vécu là comme dans le Far-West, sous la tente, avec leurs femmes, leurs chevaux, leurs chiens, et s’y seraient livrés à leurs occupations habituelles, les uns au tissage des couvertures, les autres à la préparation et au tannage des peaux ou à la confection des paniers. Modocs, Comanches, Paunies, Kayoways, Chayennes, Arrapahoes, Yutes, Pah-Yutes,