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qui n’existe pas, et que les tarifs douaniers s’y élèvent souvent jusqu’à la prohibition. Ce système avait son excuse après l’horrible guerre civile, quand il fallait remplir à tout prix les caisses du trésor, mais tout est réglé maintenant et les États-Unis doivent revenir aux grands principes du libre échange. Il est bien démontré aujourd’hui que rien ne remplace dans le travail d’une nation la lutte, la concurrence, l’initiative individuelle, en un mot la liberté absolue des transactions ; la prospérité industrielle toujours croissante de la France, depuis que les traités de commerce de 1860 sont en vigueur, le prouve suffisamment.

En résumé, deux phénomènes d’ordre économique se dégagent d’une visite attentive de l’exposition de Philadelphie et éclatent comme en pleine lumière. Le premier, c’est une sorte d’atteinte indirecte aux produits européens, dont l’Amérique apprend de plus en plus à se passer à mesure qu’elle les imite et les fabrique mieux. Sur ce chef, c’est à la France, c’est à l’Europe de parer le coup qui les menace en apportant encore plus d’habileté et de soin dans la préparation des produits destinés à l’Amérique, et, disons-le sans détour, encore plus de loyauté, de bonne foi dans l’échange de ces produits. Sur le second point, — l’inutilité actuelle des tarifs protecteurs américains, et la possibilité pour les États-Unis de lutter avantageusement avec l’Europe au moins sur leurs propres marchés, — le doute n’est plus permis. Les États-Unis n’ont donc plus à hésiter sur l’abolition ou au moins la diminution notable de ces tarifs. La voie dans laquelle ils se sont engagés est malheureuse, pleine d’écueils. Elle n’a eu pour but que de favoriser quelques privilégiés, d’amener le haut prix de toutes choses et la disparition de quelques industries, telles que la construction des navires où les Américains étaient les maîtres avant 1860. Le système si inconsidérément adopté par eux et maintenu avec tant d’entêtement est de tous points contraire aux saines doctrines économiques, à l’ordre naturel des choses. Dans l’ensemble, il appauvrit la nation au lieu de l’enrichir, et celle-ci serait assurément encore plus grande et plus puissante avec la liberté des transactions, avec ce que les Anglais ont si bien nommé la libre concurrence. C’est le propre de l’exposition de Philadelphie d’avoir mis ce fait dans tout son jour, et elle n’aura pas été inutile, puisqu’entre beaucoup d’autres elle aura donné à tous ce grand enseignement.


L. SIMONIN.