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année apporte au matériel nouveau des perfectionnemens qui le rendent de plus en plus propre aux transports économiques, soit par l’accroissement du nombre des tonneaux portés avec une même vitesse par une même puissance motrice, soit par des dispositions nouvelles de machines elles-mêmes, qui font qu’elles consomment à peine par cheval effectif la moitié du combustible primitivement nécessaire. Les navires à voiles présentent sans contredit des qualités spéciales qui les feront longtemps encore, et peut-être toujours, préférer pour certaines navigations, mais la nécessité du remplacement d’une grande partie des voiliers de commerce par des navires à vapeur n’en est pas moins incontestable. »

Malgré cette nécessité de transformation proclamée par M. Dupuy de Lôme, si l’on s’en réfère au tableau du tonnage des navires à voiles des différentes puissances maritimes, de 1872 à 1875, on remarque qu’à l’exception de la France, de l’Allemagne et de l’Autriche, les autres nations ont vu progresser le nombre de tonnes de jauge de leurs bateaux à voiles. La Norvège, l’Italie, l’Angleterre, les États-Unis, ont augmenté leurs voiliers dans de grandes proportions. Quant à la France, elle perdait dans ces dernières années 17 pour 100 de l’effectif de ses navires au long cours. Cette perte est-elle une des causes de la ruine de nos armateurs ? Je ne le pense pas, car pour les armateurs étrangers l’abondance des transports n’est pas la richesse. Les chantiers de Glascow, les ports de Londres et de Liverpool regorgent littéralement de bateaux en bois et à vapeur, ne demandant aux quatre coins du monde que des marchandises à transporter à vil prix ou des acheteurs. Comme on l’a dit au congrès du 7 juin, l’offre à Liverpool et à Londres excède tellement la demande, que les cours des frets sont avilis, et qu’il n’y a aucun espoir de les voir se relever de longtemps.

Ce n’est donc pas seulement en France que le malaise dont se plaint la marine existe. Il est partout, et, chose digne de remarque, la Belgique, où règne une liberté commerciale illimitée, ne possède presque plus de marine marchande nationale. La prospérité générale de cet état, si actif et si industrieux, n’en est pas moins grande, et les denrées coloniales y sont à bien meilleur marché que chez nous : les Belges ne demandent pas autre chose. Ne venons-nous pas nous-mêmes de constater que notre pays est celui qui a le moins à souffrir de la stagnation commerciale dont on se plaint partout ? Le premier semestre de 1875 donnait comme chiffre du commerce extérieur de la France 3,518 millions ; or le premier semestre de 1876 a atteint la somme de 3,580, c’est-à-dire une différence en plus de 62 millions. Notre commerce avec l’étranger n’est donc pas si complètement en voie de déclin qu’on pourrait le croire en lisant la plupart des mémoires qui traitent aujourd’hui