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de la question de la marine marchande. Il est donc démontré que la nation qui possède le plus de transports n’est pas celle qui fait les affaires les plus satisfaisantes ; on en a la preuve dans le mouvement toujours ascendant de notre commerce extérieur. Quoi qu’il en soit, nous ne devons négliger aucun moyen pour augmenter cette précieuse progression, et si le développement de la marine marchande peut y ajouter quelque chose, gardons-nous de nous déclarer satisfaits des résultats obtenus sans son concours.

Les armateurs français, pour appuyer leurs demandes de réformes et de protection, font valoir, non sans raison, la part infime qui leur revient dans nos transports, et les sommes énormes que nous payons aux marines étrangères. C’est ainsi que, d’après des documens officiels, il est avéré que la part du pavillon français, qui était encore chez nous de 39 pour 100 en 1862, est descendue à 35 pour 100 dans la période de 1862 à 1869, et que depuis la loi de l’assimilation du pavillon elle est finalement réduite à 29 pour 100. Ce chiffre ne serait pas encore la véritable expression des transports laissés aux navires français, puisqu’il faut en défalquer 10 pour 100, représentant la part enlevée par les compagnies auxquelles l’état accorde une subvention. M. Dupuy de Lôme en effet a constaté, dans son lumineux rapport, que les compagnies postales subventionnées prenaient dans le mouvement maritime 1,023,252 tonnes sur 3,086,000, somme totale des marchandises transportées sous pavillon français.

Ce n’est pas sans un sentiment de tristesse qu’il nous faut reconnaître que la part laissée aux pavillons étrangers est de 71 pour 100. Nos regrets s’augmentent lorsque nous songeons à la somme énorme que la France paie pour ce motif à l’Angleterre et à d’autres nations. En estimant la ton ne de marchandises au taux moyen de 35 francs, et en multipliant ce taux par 8,756,000, nombre des tonnes de marchandises chargées sur navires étrangers, d’après les états de douane de 1875, nous arrivons à un résultat de 306 millions de francs. Ce tribut, à-quelque différence près, est annuel, et à tous les points de vue chacun doit désirer qu’il diminue.

Les partisans de la liberté illimitée répondent à ce qu’une pareille situation a de déplorable, en alléguant que notre pavillon n’a jamais transporté autant de marchandises que depuis l’époque où il a cessé d’être protégé, — que, si en effet, d’après le Veritas, l’effectif de notre marine à voiles, de 1870 à 1875, a subi une diminution de 140,000 tonneaux, la marine à vapeur s’est accrue pendant la même période de 105,000 ; enfin, que le mouvement de la navigation par navires français a augmenté, de 1870 à 1875, pour la navigation de long cours avec les colonies et possessions françaises et l’étranger, de 324,631 tonneaux, entrées et sorties