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leur équipage, si cela leur est avantageux, et en formeront un nouveau de matelots européens s’ils doivent retourner en Europe ; s’ils veulent continuer à naviguer dans les mers de l’Inde, ils prendront des hommes de mer indigènes, des lascars, gens pauvres et peu rétribués. De plus, comme le fait remarquer la chambre commerciale de Toulon, si au départ de Marseille l’armateur français embarque, bien entendu sans le savoir, — car il n’a pas les moyens de s’éclairer, — un homme notoirement incapable ou malade, il est obligé de conserver à bord du navire un matelot qui n’est bon à rien. Pour le débarquer, il est tenu de lui payer ses gages jusqu’à son retour en France et de pourvoir aux frais de son rapatriement, frais toujours élevés, car ce retour s’effectue le plus souvent par bateau à vapeur. Si ce matelot est malade, quoiqu’il puisse être prouvé qu’il s’est embarqué dans cet état, l’armateur n’en est pas moins tenu de payer ses frais d’hôpital, toujours fort onéreux hors de France, de lui continuer sa paie, de pourvoir à son rapatriement, bienheureux si, à son arrivée, le matelot ne reste pas encore à la solde de l’armateur jusqu’à ce qu’il soit entièrement rétabli. Aussitôt en bonne santé, cet homme peut pourtant être enlevé à son capitaine, et appelé à venir tout de suite sur les bâtimens de l’état. Sous ce rapport, quelles sont les charges de l’armateur étranger ? Il n’en a pas ; si un capitaine a des hommes malades à son bord, il a le droit de les débarquer, et c’est le gouvernement national qui en prend soin. Les obligations imposées de nos jours aux armateurs français pouvaient se comprendre à l’époque où ils étaient protégés, mais avec l’égalité générale des pavillons elles sont une injustice qui contribue à la décadence de notre marine. Rappelons encore, à ce sujet, que nos armateurs ne peuvent employer de marins étrangers que dans une proportion minime, tandis que les autres industries peuvent prendre leurs ouvriers où il leur convient mieux ; c’est d’autant plus choquant, à Marseille surtout, que les industries locales n’emploient guère que des ouvriers étrangers.

Nous n’en avons point fini avec les griefs de nos armateurs. En outre d’une patente de première classe que paient ces négocians, ils ont à payer un impôt spécial que ne paie pas le navire étranger, et qui est de 1 franc 07, centimes additionnels compris, par tonneau de jauge de bâtimens au long cours ; d’où il résulte ce fait, peu encourageant pour les constructeurs de France, que l’armateur qui augmente son matériel voit augmenter sa patente dans une proportion sans limites. Il y a plus : au lieu d’encourager l’esprit d’association, qui a donné, principalement en Italie, un grand développement à la marine marchande, les lois qui nous régissent frappent d’un droit additionnel la taxe (déjà perçue par tonne de jauge. Le droit est de 1 1/2 pour deux associés, 1 3/4 pour quatre,