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français, en un mot le programme ordinaire d’une bonne éducation anglaise à cette époque. Par compensation, il se livrait avec délices aux exercices corporels. On raconte que l’un de ses hauts faits habituels était d’escalader la tour de la cathédrale pour se placer à cheval sur une gargouille, au grand effroi des assistans. Un jour, il eut la fantaisie singulière de s’égarer dans un égout de la ville, ce qui fut la première, mais peu utile expédition souterraine de ce futur géologue. En somme, c’était un garçon indiscipliné, peu laborieux, assez ignorant; son oncle, le général Mackenzie de Fairburn, en conclut qu’il avait toutes les qualités voulues pour devenir un bon soldat. A treize ans, il entrait au collège militaire de Marlow.

En ce temps, un jeune homme de bonne famille devenait officier sans avoir à se donner beaucoup de peine. On apprenait à Marlow la géométrie et l’arithmétique, deux sciences que Murchison n’aimait guère. Il en convient lui-même, il fut toute sa vie mauvais mathématicien. Par compensation, les études purement militaires lui allaient fort. Il avait joué au soldat avec ses camarades de Durham; dans la nouvelle école où il venait d’entrer, le jeu était sérieux. Néanmoins on vit dès lors se révéler en lui une aptitude qui lui fut utile par la suite : à première vue, il saisissait la configuration d’une vaste étendue de pays. Il avait le coup d’œil topographique, qualité rare même parmi les personnes qui s’adonnent spécialement à l’étude du sol.

Enfin en 1807 il obtenait un brevet d’enseigne dans le 36e régiment. Chasser, danser, monter à cheval, chanter même, étaient alors ses occupations favorites. Ses plus graves défauts étaient de dépenser plus que ne le comportait son patrimoine et de rechercher par vanité la compagnie de jeunes gens plus nobles ou plus riches que lui. Il n’y avait rien de mieux au monde, à son avis, que la vie élégante. Aussi l’entrée au régiment fut-elle tout d’abord une déception pour lui. Le 36e avait servi en Allemagne, dans l’Inde sous sir Arthur Wellesley, à Buenos-Ayres contre les Espagnols. A sa tête se trouvait le colonel Burne, homme froid et hardi sur le champ de bataille, d’une inflexible sévérité en matière de discipline, à part cela bon compagnon, mangeant bien, buvant mieux encore, et, pour terminer, impitoyable envers les ivrognes. Le régiment du colonel Burne en valait bien d’autres; sir A. Wellesley voulut l’avoir pour son expédition du Portugal. Sir Roderick pouvait donc se vanter, lui aussi, sur ses vieux jours, d’avoir été l’élève de Wellington. Il débarqua sur la plage de Figueira, avec le gros des troupes anglaises, prit part à la bataille de Vimieira sans trop se laisser intimider par les premiers coups de fusil; puis, avec l’ardeur de son âge, il se livra aux plaisirs que Lisbonne offrait aux jeunes officiers.